La loi relative au dialogue social et à l'emploi, dite loi Rebsamen, a élargi le champ d'application de la délégation unique du personnel (DUP) en l’autorisant dans les entreprises de moins de 300 salariés (au lieu de moins 200 salariés auparavant) et en y intégrant le CHSCT.
Parallèlement, le législateur a instauré la possibilité de mettre en place une instance commune à toutes les institutions du personnel dans les entreprises d'au moins 300 salariés.
Une instance à géométrie variable...
La loi Rebsamen permet, dans les entreprises d'au moins 300 salariés, de prévoir le regroupement des délégués du personnel, du comité d'entreprise (CE) et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ou de deux de ces institutions représentatives au sein d'une instance commune exerçant l'ensemble des attributions des institutions regroupées (C. trav. art. L 2391-1, al. 1 nouveau).
A noter L'instance commune pouvant ne regrouper que deux instance, quatre configurations sont concevables en pratique :
- DP + CE,
- CE + CHSCT,
- DP + CHSCT,
- DP + CE + CHSCT.
L'employeur ne semble pas tenu de consulter les instances regroupées pour opérer ce choix. En effet, contrairement à ce qui est prévu pour la nouvelle DUP, la loi ne le prévoit pas. Et le CE ne devrait pas avoir à être consulté sur le projet d'accord, puisque la loi supprime cette obligation à compter du 1er janvier 2016 (C. trav. art. L 2323-2 modifié). Nous conseillons toutefois une telle consultation.
... mise en place par accord collectif majoritaire
Règles générales
L'instance commune doit être prévue par un accord collectif signé par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés (quel que soit le nombre de votants) en faveur d'organisations représentatives au 1er tour des élections des titulaires au CE ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel (C. trav. art. L 2391-1, al. 1 nouveau).
La mise en place de l'instance commune a lieu lors de la constitution des délégués du personnel, du CE ou du CHSCT ou lors du renouvellement de l'une de ces institutions (C. trav. art. L 2391-1, al. 3 nouveau).
L'accord créant l'instance prévoit la prorogation ou la réduction de la durée du mandat des membres des institutions regroupées, afin que leur échéance coïncide avec la date de mise en place de l'instance (C. trav. art. L 2391-1, al. 4 nouveau).
Entreprise comprenant plusieurs établissements
Dans les entreprises comportant des établissements distincts, l'instance commune peut être mise en place au niveau d'un ou de plusieurs établissements, le cas échéant selon des modalités de regroupement distinctes en fonction des établissements (C. trav. art. L 2391-2 nouveau).
En l'absence d'accord d'entreprise, un accord conclu au niveau de l'établissement peut prévoir la création de l'instance commune (C. trav. art. L 2391-3 nouveau).
Unité économique et sociale
L'instance commune peut être mise en place dans les entreprises appartenant à une union économique et sociale (UES) regroupant au moins 300 salariés, quel que soit leur effectif. L'accord créant l'instance est alors conclu soit au niveau d'une ou de plusieurs entreprises composant l'UES, soit au niveau de celle-ci. Dans ce dernier cas, les règles de validité de l'accord sont appréciées en tenant compte des suffrages valablement exprimés dans l'ensemble des entreprises (C. trav. art. L 2391-4 nouveau).
Une instance dotée de la personnalité civile
L'instance commune est dotée de la personnalité civile et gère, le cas échéant, son patrimoine (C. trav. art. L 2391-1, al. 2).
A noter Selon le rapport de la commission spéciale de l'Assemblée nationale, ce ne serait que si le CE fait partie de l'instance commune que la nouvelle instance aurait vocation à assurer la gestion d'un patrimoine, puisque seul le CE a un patrimoine.
Des représentants du personnel élus, mais pas seulement
Nombre de membres élus
Le nombre de représentants du personnel titulaires et suppléants élus au sein de l'instance commune est fixé par l'accord d'entreprise ou d'établissement qui la crée. Ce nombre ne peut pas être inférieur à des seuils fixés par décret en Conseil d'Etat en fonction des effectifs de l'entreprise ou de l'établissement (C. trav. art. L 2392-1 nouveau).
Autres participants aux réunions
Les représentants syndicaux mentionnés à l'article L 2324-2, c'est-à-dire au comité d'entreprise ou d'établissement, assistent aux réunions de l'instance portant sur les attributions dévolues au comité d'entreprise avec voix consultative (C. trav. art. L 2392-2 nouveau).
Les mêmes personnes que celles assistant, avec voix consultative, aux réunions du CHSCT assistent aux réunions de l'instance portant sur les attributions dévolues au CHSCT. L'inspecteur du travail doit être prévenu de ces réunions et peut également y assister (C. trav. art. L 2392-2 nouveau).
Des élections calquées, selon le cas, sur celles du CE ou des DP
Les élections des membres de l'instance commune se déroulent :
- dans les conditions prévues pour l'élection des membres du comité d'entreprise si l'instance commune intègre le comité d'entreprise ou d'établissement ;
- dans celles prévues pour l'élection des délégués du personnel dans les autres cas (C. trav. art. L 2392-3 nouveau).
Des IRP regroupées, mais des attributions conservées
L'instance commune exerce l'ensemble des attributions des institutions faisant l'objet du regroupement (C. trav. art. L 2391-1, al. 1 nouveau). Autrement dit, si l'accord créant l'instance commune peut prévoir des modalités de fonctionnement allégées et - peut-être - un nombre de représentants du personnel et des crédits d'heures moins élevés, les attributions des institutions regroupées restent inchangées.
Des conditions de fonctionnement déterminées par accord collectif...
Règles applicables quelle que soit la configuration de l'instance
L'accord d'entreprise ou d'établissement créant l'instance commune fixe les modalités de fonctionnement de l'instance, notamment :
- 1° le nombre minimal de réunions, au moins égal à une réunion tous les deux mois ;
- 2° les modalités selon lesquelles l'ordre du jour est établi et communiqué aux représentants du personnel ;
- 3° le rôle respectif des membres titulaires et des membres suppléants ;
- 4° le nombre d'heures de délégation dont les membres de l'instance bénéficient pour l'exercice de leurs attributions, au moins égal à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat en fonction des effectifs de l'entreprise ou de l'établissement et des compétences de l'instance (C. trav. art. L 2393-1 nouveau) ;
- 5° le nombre de jours de formation dont les membres de l'instance bénéficient pour l'exercice de leurs attributions, qui ne peut pas être inférieur à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat (C. trav. art. L 2393-1 nouveau).
Instance incluant le CHSCT
Lorsque l'instance commune inclut le CHSCT, l'accord collectif qui la crée doit aussi fixer :
- la composition et le fonctionnement en son sein d'une commission d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; peuvent être confiées à cette commission, par délégation, tout ou partie des attributions reconnues au CHSCT et que la commission exerce pour le compte de l'instance ;
- un nombre minimal de réunions de l'instance consacrées, en tout ou partie, à l'exercice de ses attributions en matière d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, au moins égal à quatre par an (C. trav. art. L 2393-1, 6° nouveau).
Commissions facultatives et obligatoires
L'accord collectif créant l'instance commune peut prévoir - mais ce n'est pas une obligation - la mise en place des commissions suivantes (C. trav. art. L 2393-2 nouveau) :
- économique (C. trav. art. L 2325-23),
- de la formation (C. trav. art. L 2325-26),
- d'information et d'aide au logement des salariés (C. trav. art. L 2325-27),
- de l'égalité professionnelle (C. trav. art. L 2325-34).
En revanche, dès lors que l'instance commune remplit les critères définissant les « grands » comités d'entreprise (C. trav. art. L 2325-34-1), la mise en place d'une commission des marchés est obligatoire (C. trav. art. L 2393-2 nouveau).
... ou, à défaut, par la voie réglementaire...
A défaut de stipulations de l'accord sur ces sujets, les règles de fonctionnement de l'instance relatives au nombre de représentants et au nombre de jours de formation et d'heures de délégation sont déterminées par décret en Conseil d'Etat (C. trav. art. L 2393-3 nouveau).
... et également par la loi
Les autres règles de fonctionnement sont celles prévues (C. trav. art. L 2393-3 nouveau) :
- lorsque l'instance commune comprend le comité d'entreprise ou d'établissement, pour le comité d'entreprise (partie II, livre III, titre II, chapitre V du Code du travail) ;
- dans les autres cas, pour le CHSCT (partie II, livre VI, titre I, chapitre IV du Code du travail).
Suppression
La dénonciation de l'accord d'entreprise ou d'établissement créant l'instance commune prend effet dès la fin du préavis défini à l'article L 2261-9 du Code du travail. L'employeur procède sans délai à l'élection ou à la désignation des membres des institutions regroupées, conformément aux dispositions relatives à chacune d'elles. Le mandat des membres de l'instance est prorogé jusqu'à la date de mise en place de ces institutions (C. trav. art. L 2394-1 nouveau).
A noter L'article L 2394-1 nouveau du Code du travail déroge au droit commun de la dénonciation des accords collectifs, qui prévoit leur survie provisoire pendant un certain délai (un an en principe sauf accord de substitution).
Entrée en vigueur
Faute de dispositions particulières sur ce point, les dispositions relatives à l'instance commune sont entrées en vigueur le 19 août 2015, au lendemain de la publication de la loi au Journal officiel. Toutefois, plusieurs de ses modalités devant être précisées par décret, l'application effective de la mesure est subordonnée à sa parution.
Un décret en Conseil d'Etat devra notamment fixer le nombre minimal d'élus titulaires et suppléants de l'instance commune, le nombre minimal de leurs heures de délégation et de jours de formation dont ils devront bénéficier.