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Responsabilité de l’installateur d’un élément d’équipement sur existant : revirement de jurisprudence !

S’ils ne constituent pas un ouvrage, les éléments d’équipement adjoints à l’existant ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l’assurance obligatoire des constructeurs.

Cass. 3e civ. 21-3-2024 n° 22-18.694 FS-BR, Sté Axa France IARD


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©Getty Images

Tirant les enseignements d’une pratique consécutive à sa jurisprudence de 2017 et 2022, la Cour de cassation revient sur celle-ci. Elle avait décidé alors, contrairement aux solutions antérieures, que les éléments d’équipement installés sur existant, dissociables ou indissociables, sous réserve qu’ils fussent destinés à fonctionner (Cass. 3e civ. 13-7-2022 n° 19-20.231 FS-B : BPIM 5/22 inf. 359), relevaient de la garantie décennale, si leur dysfonctionnement rendait l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination (Cass. 3e civ. 26-10-2017 n° 16-18.120 FS-PBRI : BPIM 6/17 inf. 417). Elle avait naturellement admis que ces désordres relevaient de l’assurance RC décennale obligatoire des constructeurs, en dépit des dispositions de l’article L 243-1-1 du Code des assurances excluant de cette obligation les ouvrages existants avant l’ouverture du chantier, à l’exception de ceux qui, totalement incorporés à l’ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles (Cass. 3e civ. 26-10-2017 n° 16-18.120 FS-PBRI : BPIM 6/17 inf. 417).

La Cour de cassation estime que ces solutions n’ont pas permis d’assurer la protection du maître de l’ouvrage et que la souscription des assurances obligatoires ne s’est guère développée. Après diverses consultations auprès de plusieurs acteurs du secteur, elle revient sur cette jurisprudence, à propos d’un insert installé dans la cheminée d’une maison qui a provoqué un incendie détruisant celle-ci et le mobilier.

Cassant l’arrêt, qui avait retenu la responsabilité décennale de l’installateur et de son assureur, elle explique que, si les dommages résultant d’équipements installés en remplacement ou par adjonction à l’existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun non soumise à l’assurance obligatoire des constructeurs. Elle ajoute que ce revirement s’applique à l’instance en cours dès lors qu’elle ne porte pas d’atteinte disproportionnée à la sécurité juridique ni au droit d’accès au juge.

A noter :

1. L’arrêt commenté juge moins le contentieux qui lui est soumis qu’il s’efforce de faire un cours de droit sur l’évolution de sa jurisprudence. On aurait compris que la Lettre de la troisième chambre civile (Lettre n° 13 – mars 2024) qui accompagne l’arrêt se livrât aux explications nécessaires à la justification de cette évolution. On comprend moins que cette explication figure, dans des termes voisins, dans le corps même de l’arrêt.

2. Les éléments d’équipements d’origine ou installés sur existant, qu’ils soient dissociables ou non, relevaient de la garantie décennale lorsqu’ils rendaient l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination (Cass. 3e civ. 15-6-2017 n° 16-19.640 FS-PBRI : BPIM 4/17 inf. 279). L’élément installé devait avoir une dynamique propre et être destiné à fonctionner (Cass. 3e civ. 13-2-2020 n° 19-10.429 FS-PBRI : BPIM 2/20 inf. 119 ; Cass. 3e civ. 13-7-2022 n° 19-20.231 FS-B : BPIM 5/22 inf. 359). Malgré les critiques adressées à cette jurisprudence, qui ignorait la nécessité de travaux de construction, celle-ci s’est maintenue, notamment pour un insert (Cass. 3e civ. 7-3-2019 n° 18-11.741 FS-PBI : BPIM 2/19 inf. 116) et pour une pompe à chaleur (Cass. 3e civ. 25-1-2018 n° 16-10.050 F-D). Il a alors été jugé que le désordre relevait de l’assurance RC décennale obligatoire, bien que l’existant soit normalement exclu de la garantie s’il ne forme pas un tout indivisible avec l’ouvrage neuf, conformément à l’article L 243-1-1 du Code des assurances (Cass. 3e civ. 26-10-2017 n° 16-18.120 FS-PBRI : BPIM 6/17 inf. 417).

L’arrêt commenté revient sur ces solutions alors que le dysfonctionnement de l’insert a entraîné la destruction par incendie de la maison et que sa solidité en a donc été affectée. Désormais, la responsabilité pour les défaillances de l’équipement, même s’il a une dynamique propre, et pour ses conséquences relève de la responsabilité de droit commun. L’élément d’équipement, même destiné à fonctionner, ne relève pas davantage de la garantie biennale s’il est installé ou ajouté à l’existant. Évidemment, l’assurance obligatoire (RC décennale) ne couvre pas ces sinistres.

3. L’arrêt réserve les équipements qui constituent « en eux-mêmes un ouvrage », ce qui implique sans doute l’incorporation à l’existant. On notera que, dès avant 2017, des arrêts avaient tenu des équipements comme des ouvrages soumis à garantie, en particulier lorsqu’ils étaient enterrés (Cass. 3e civ. 18-11-1992 : Bull. civ. III n° 298, chaudière dont l'évaporateur était associé à une cuve enterrée) ou lorsqu’ils étaient indissociables de l’existant (Cass. 3e civ. 30-6-2016 n° 15-17.146 F-D : BPIM 5/16 inf. 309, insert de cheminée raccordé à un conduit existant).

4. Le motif donné au revirement laisse perplexe. Apparemment, la garantie décennale et l’assurance obligatoire qu’elle impliquait n’ont pas suffi à protéger le maître de l’ouvrage car les souscriptions d’assurance de garantie décennale ne se sont pas multipliées. L’arrêt, comme la Lettre de la troisième chambre civile qui l’accompagne, attend désormais cette protection de l’assurance habitation du maître de l’ouvrage, et sans doute de l’assurance RC de droit commun du constructeur.

Mais l’application immédiate de ce revirement aux instances en cours est un facteur d’insécurité, malgré ce qu’énonce l’arrêt à propos de la sécurité juridique. Quid, par exemple, si le maître de l’ouvrage n’est pas assuré ? Si la garantie souscrite ne couvre pas les inserts ? Si l’assureur, qui néanmoins garantit ce risque, veut exercer un recours contre le responsable ? S’il s’expose alors à un entrepreneur non assuré en RC de droit commun et qui, pour satisfaire à la jurisprudence de 2017, a préféré s’assurer en décennale et n’a pas souscrit d’assurance facultative ? L’application immédiate du revirement va sans doute donner des suites à la nouvelle jurisprudence. Le principe de la responsabilité courant pendant 10 ans à compter de la réception est pratiquement généralisé à présent, et la garantie de l’article 1792 du Code civil n’est probablement désormais qu’une condition de l’assurance obligatoire (voir B. Boubli, « La garantie décennale, un caractère hégémonique ou une fonction subsidiaire conditionnant l’assurance obligatoire ? » : BPIM 3/23 inf. 153). Miser sur la garantie incertaine de l’assurance facultative lorsque l’ouvrage peut être détruit est-il un facteur de sécurité pour les parties à l’acte de construire ?             

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