Une femme de nationalité ukrainienne et un homme de nationalité danoise se marient en 2017 et s’installent quelques mois plus tard au Danemark. La femme retourne en Ukraine début 2018, où elle donne naissance à un enfant issu du couple. Une décision ukrainienne de 2019 fixe les conditions de la participation du père à l'éducation de l'enfant et ses droits de visite durant son séjour en Ukraine, au domicile de l'enfant et en présence de sa mère. Un jugement ukrainien prononce en 2020 le divorce des époux. En mars 2022, la mère quitte l'Ukraine pour s'installer en France avec son fils, sans en informer le père. Un jugement rendu ultérieurement à ce départ par une juridiction ukrainienne ordonne à la mère de ne pas empêcher le père de communiquer avec son fils et organise le droit de visite de celui-ci durant son séjour en Ukraine. Le père assigne la mère devant un juge aux affaires familiales aux fins de voir ordonner le retour de l'enfant au Danemark sur le fondement de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants. La demande est rejetée en première instance puis en appel. Un pourvoi est formé.
Rejet. La Cour rappelle que la Convention ne précise pas l’État à destination duquel le retour de l'enfant doit être ordonné. Se référant au rapport explicatif de la Convention, elle rappelle que le principe est le retour de l'enfant dans l'État de sa résidence habituelle immédiatement avant le déplacement ou le non-retour illicite.
Toutefois, le silence de la Convention sur la désignation de l'État de retour résulte du souhait des négociateurs d'éviter une application inutilement rigide de celle-ci et de permettre ainsi aux autorités de l'État de refuge, lorsque le demandeur n'habite plus l'État de la résidence habituelle antérieure au déplacement, de lui renvoyer directement l'enfant sans égard au lieu de sa résidence actuelle. La Cour admet donc, mais à titre exceptionnel, que le retour soit ordonné dans un autre État que celui de sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicite. Dans l'intérêt supérieur de l'enfant, un tel retour ne peut être ordonné que s'il permet de replacer l'enfant dans un environnement qui lui est familier et, ce faisant, de restaurer une certaine continuité de ses conditions d'existence et de développement.
Or la cour d’appel a constaté que, même si cela n’était pas le fait du père, l'enfant, âgé de cinq ans, n'avait jamais vu son père et ne le connaissait pas, pas plus qu'il ne connaissait le Danemark, lieu de résidence de son père, où il n'avait jamais vécu. Elle a également relevé que la mère offrait à l'enfant, en France, les conditions matérielles et affectives nécessaires à son épanouissement. La demande du père devait donc être rejetée.
A noter :
Selon David Lambert, avocat et coauteur du Mémento Droit de la famille, la solution, semble-t-il inédite, est intéressante : elle permet dans certains cas d’ordonner le retour de l’enfant dans l’État où vit le parent victime de l’enlèvement même si ce n’est pas celui de la résidence habituelle de l’enfant avant l’enlèvement. Comme indiqué par la Cour, elle s’appuie sur le rapport explicatif et l’intention des négociateurs de la Convention.
Néanmoins, pour rejeter la demande, la Haute Juridiction en vient à créer une nouvelle exception au retour qui ne figure pas dans la Convention (absence d’environnement familier), ce qui suscite une certaine perplexité.