Des parcelles de terrain sont vendues. Après la vente, l’acheteur obtient un permis de construire qui est ensuite retiré en raison d’un risque d’inondations. L’arrêté municipal de retrait vise une circulaire prise avant la vente. En raison de l’inconstructibilité du terrain, l’acheteur assigne le vendeur en nullité de la vente sur le fondement de l’erreur et en résolution pour vices cachés.
Les juges rejettent sa demande au motif que la disparition rétroactive du permis de construire après la vente est sans incidence sur l’erreur, celle-ci devant s’apprécier au moment de la formation du contrat. Ils relèvent que l’acte de vente contenait un état des risques mentionnant que les parcelles étaient en zone inondable et couvertes par un plan de prévention pour en déduire qu'au jour de la vente le terrain était constructible.
Les juges ajoutent que l’inconstructibilité relevait de l’appréciation de l’administration et qu’il s’agissait d’un vice extrinsèque ne pouvant donner lieu à réparation sur le fondement des vices cachés.
L’erreur sur la substance s’apprécie au moment de la formation du contrat (Cass. 1e civ. 12-7-2007 n° 06-15.090 : RJDA 2/08 n° 100).
Dans le cas où l'inconstructibilité d’un terrain résulte de l'annulation rétroactive d'une décision administrative (certificat d'urbanisme, permis de construire…), la troisième chambre civile de la Cour de cassation, contrairement à la jurisprudence divergente de la première chambre civile (Cass. 1e civ. 1-6-1983 : Bull. civ. I n° 168), conclut à l’inexistence d'une erreur au motif que le terrain était constructible à la date de conclusion de la vente (Cass. 3e civ. 26-5-2004 n° 02-19.354 : RJDA 10/04 n° 1081 ; Cass. 3e civ. 23-5-2007 n° 06-11.889 : RJDA 11/07 n° 1075). Il en est ainsi dans l’arrêt commenté.
Pour la troisième chambre civile, il en est de même si le risque d'inconstructibilité totale du terrain n'était pas certain au jour de la vente (Cass. 3e civ. 13-11-2014 n° 13-24.027 : BPIM 1/15 inf. 50). Elle admet en revanche l'action fondée sur l'erreur si l'annulation rétroactive de la décision administrative n'a fait que prendre en compte la réalité d'un risque d'inconstructibilité, inconnu des acquéreurs au jour de la vente, et pourtant déjà existant à cette date (Cass. 3e civ. 12-6-2014 n° 13-18.446 : BPIM 4/14 inf. 264, le risque étant lié à la présence d'une cavité souterraine).
Dans le silence de l’ordonnance du 10 février 2016 réformant le droit des contrats sur la date d’appréciation de l’existence d’un vice du consentement, les solutions retenues par la jurisprudence sont transposables.
Séverine JAILLOT
Pour en savoir plus sur la date d'appréciation de l'erreur : voir Mémento Vente immobilière nos 16278 s.