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La révocation d'un dirigeant de SAS en violation d'un pacte d'associés est fautive

Engagent leur responsabilité à l'égard du dirigeant de SAS évincé ceux qui ont mis en œuvre sa révocation sans respecter les modalités prévues par un pacte d'associés.

Cass. com. 18-9-2024 n° 22-23.075 F-D, Sté Lu Azur c/ X


Par Marie PONSOT
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©Getty Images

Trois sociétés (A, B, C), associées d'une SAS, concluent un pacte prévoyant notamment que la révocation du président de cette SAS nécessite une décision du comité exécutif. La société C cède ensuite l'intégralité de sa participation dans la SAS à une société D. Ultérieurement, le dirigeant de la société A notifie sa révocation au président de la SAS. À la demande de celui-ci, une cour d'appel retient la responsabilité de la société A et de son dirigeant, jugeant que le pacte d'associés imposait une décision du comité exécutif de la SAS et qu'à défaut les intéressés ont commis une faute en mettant en œuvre une décision illégale de révocation. 

Ceux-ci répliquent en faisant valoir que les conditions et modalités de révocation du président ne pouvaient pas être appréciées exclusivement au regard du pacte d'associés alors que, d'une part, il revenait aux statuts de la SAS de fixer ces conditions et modalités et que, d'autre part, ce pacte d'associés n'était pas invocable ni opposable à la société D, qui n'en était pas signataire.

La Cour de cassation écarte l'argument : faute de preuve d'une décision prise par le comité exécutif révoquant le président, comme l'imposait le pacte d'associés, la société A et son dirigeant pouvaient être condamnés in solidum à payer des dommages-intérêts au président évincé.

A noter :

Les statuts de la SAS fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée (C. com. art. L 227-5). Il s'en déduit que les conditions dans lesquelles le dirigeant d'une telle société peut être révoqué sont, dans le silence de la loi, librement fixées par les statuts, qu'il s'agisse des causes de la révocation ou de ses modalités (Cass. com. 9-3-2022 n° 19-25.795 F-B : RJDA 5/22 n° 287). Si la Cour de cassation a posé le principe selon lequel seuls les statuts de la SAS fixent les conditions dans lesquelles celle-ci est dirigée (Cass. com. 25-1-2017 n° 14-28.792 FS-PBRI : RJDA 4/17 n° 261), elle a toutefois admis que des actes extrastatutaires peuvent les compléter, sans pour autant y déroger (Cass. com. 12-10-2022 n° 21-15.382 F-B : RJDA 1/23 n° 35). Notons néanmoins que la cour d'appel de Paris a récemment validé l'application des conditions de révocation prévues par une convention extrastatutaire approuvée par l'assemblée générale à l'unanimité et qui dérogeait aux statuts (CA Paris 16-11-2023 n° 22/10344 : RJDA 6/24 n° 347). À notre avis, l'arrêt sous commentaire ne remet pas en cause les principes précédemment énoncés par la Cour de cassation : la question de la conformité du pacte d'associés aux statuts n'avait simplement pas été évoquée en appel (CA Paris 29-9-2022 n° 21/10150).

L'arrêt est également l'occasion d'évoquer la question de l'opposabilité du pacte d'associés à l'égard des tiers. Comme le relèvent certains auteurs (notamment F. Danos et Th. Bortoli, La difficile articulation entre statuts et conventions extrastatutaires : BRDA 23/22 inf. 20 n° 36), il ne faut pas confondre effet obligatoire et opposabilité : en dépit du principe de l'effet relatif des conventions (C. civ. art. 1103 et 1199), celles-ci sont opposables aux tiers (C. civ. art. 1200, al. 1). Ainsi, le tiers qui se rend complice de la violation d'une obligation contractuelle par l'une des parties engage sa responsabilité à l'égard du cocontractant victime (Cass. com. 11-10-1971 : D 1972. 120 ; Cass. ass. plén. 9-5-2008 n° 07-12.449 FS-PBRI : RJDA 12/08 n° 1241). Ce principe a déjà été appliqué en matière de pacte d'actionnaires (CA Versailles 29-6-2000 n° 98-1864 : RJDA 1/01 n° 44). C'est sans doute à ce titre qu'a été retenue en l'espèce la responsabilité du dirigeant de la société A, qui n'était pas personnellement partie au pacte. Notons par ailleurs que l'inexécution du pacte ne produit aucun effet à l'égard de la société D : ni sa responsabilité, ni celle de la SAS dont elle est associée n'ont été recherchées. On conçoit donc mal en quoi les demandeurs auraient pu se prévaloir de l'effet relatif du pacte à son égard.

Enfin, cet arrêt illustre bien le principe selon lequel un tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (Cass. ass. plén. 6-10-2006 n° 05-13.255 PBRI : RJDA 1/07 n° 18, Cass. ass. plén. 13-1-2020 n° 17-19.963 PBRI : RJDA 4/20 n° 198, solutions rendues sous l'empire des dispositions antérieures à l'ord. 2016-131 du 10-2-2016 mais transposables). Il a d'ailleurs déjà été admis qu'une société pouvait se prévaloir de la violation d'un pacte d'actionnaires auquel elle n'était pas partie (Cass. com. 18-12-2007 n° 05-19.397 F-D : RJDA 3/08 n° 232).

Documents et liens associés :

Cass. com. 18-9-2024 n° 22-23.075 F-D

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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