L’article L 2315-94, 1° du Code du travail permet au comité social et économique de recourir à un expert habilité lorsqu'un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement. L’affaire soumise à la Cour de cassation posait la question de l’utilisation possible par le comité de témoignages anonymisés pour étayer l’existence d’un risque grave justifiant le recours à l’expertise.
Des témoignages anonymes de salariés sur les risques psychosociaux...
En l’espèce, après la décision du CSE de recourir à une expertise pour risque grave, l’employeur avait saisi le président du tribunal judiciaire pour faire écarter des débats des témoignages anonymes produits par l’instance représentative du personnel et en conséquence annuler la délibération du comité diligentant l’expertise. Le président du tribunal avait fait droit à sa demande en déclarant irrecevables ces témoignages et en annulant la délibération, au regard du principe du contradictoire inscrit aux articles 15 et 16 du Code de procédure civile. Or, le comité indiquait avoir anonymisé les attestations afin de protéger les salariés d’éventuelles représailles, et les témoignages en question n’étaient pas les seuls éléments produits pour étayer l’existence d’un risque grave dans l’entreprise.
... peuvent contribuer à établir un risque grave dans l'entreprise
La Cour de cassation applique la solution énoncée en 2023 dans le cas d’un témoignage anonymisé participant à la preuve d’une faute du salarié (Cass. soc. 19-4-2023 n° 21-20.308 FB : RJS 8-9/23 n° 471).
Au regard du droit à un procès équitable garanti par l’article 6, § 1 et 3 de la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, le juge ne peut pas fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes. Toutefois, il peut prendre en considération des témoignages anonymisés, c'est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs mais dont l'identité est cependant connue de la partie qui les produit, à la condition qu’ils soient corroborés par d'autres éléments permettant d'en analyser la crédibilité et la pertinence.
En l’espèce, le président du tribunal judiciaire ne pouvait donc pas déclarer les témoignages irrecevables du simple fait de leur caractère anonyme. Il devait analyser la valeur et la portée de ces attestations anonymisées et des autres pièces apportées par le comité.
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