L’article L 2411-6 du Code du travail prévoit que le salarié ayant demandé à l’employeur d’organiser desélections professionnelles bénéficie d’une protection de 6 mois contre le licenciement, sous certaines conditions. Cette protection ne bénéfice qu’à un seul salarié par organisation syndicale ainsi qu’au premier salarié, non mandaté par un syndicat, qui a présenté cette demande, et ne court qu’à compter de l’envoi à l’employeur de la lettre recommandée par laquelle une organisation syndicale confirme la demande. Dès lors, le salarié non mandaté n’est protégé que si une organisation syndicale vient conforter sa démarche (Cass. soc. 10-1-2006 n° 04-41.736 F-D ; Cass. soc. 20-3-2013 n° 11-28.034 F-D).
L'effectif rendant obligatoire l'organisation du scrutin n'était pas atteint
Dans cette affaire, ces conditions étaient remplies : un salarié, non mandaté par un syndicat, avait sollicité de son employeur l'organisation d’élections de délégués du personnel, demande qui avait été suivie dès le lendemain par un courrier de l’union locale d’un syndicat. Mais il s’était avéré que le seuil d’effectifs rendant obligatoire l’organisation du scrutin (au moins 11 salariés pendant 12 mois consécutifs ou non au cours des 3 années précédentes, selon le terme de l’article L 2312-2 dans sa rédaction alors applicable) n’avait pas été atteint. Dès lors, le salarié qui s’était mépris sur cette obligation devait-il bénéficier du statut protecteur ? La question s’était posée puisque 3 mois plus tard, l’employeur l’avait licencié sans solliciter d’autorisation administrative.
Le salarié travaillait à domicile
Dans une affaire assez similaire, la Cour de cassation avait jugé que la protection doit être accordée au salarié ayant pu se méprendre sur la nécessité d’organiser le scrutin, en l'espèce en raison de la présence parmi les effectifs de l'entreprise de salariés mis à disposition (Cass. soc. 13-10-2010 n° 09-41.916 FS-PB). Elle applique ici le même raisonnement : rappelant le principe selon lequel le statut protecteur est dû sauf absence manifeste de tout caractère sérieux de la demande, la Cour considère que le statut protecteur doit être accordé au salarié qui travaillait à son domicile et ne disposait pour toute information de listings d’adresses de courriels, de sorte qu’il avait pu faire erreur sur la nécessité d’organiser des élections.
Un droit à la méprise pour le salarié, sauf mauvaise foi
Compte tenu de la complexité du calcul des effectifs de l’entreprise pour la mise en place des institutions représentatives du personnel (période prise en compte, proratisation en fonction du temps de présence des salariés, prise en compte ou non des salariés mis à disposition), et du fait que seul l’employeur dispose des éléments permettant de déterminer cet effectif, il est logique d’accorder au salarié un « droit à l’erreur » et de pas conditionner strictement sa protection à la réalité de l’obligation pesant sur l’employeur.
Signalons que, dans sa rédaction applicable depuis le 1er janvier 2018, l’article L 2314-8 du Code du travail permettant à un salarié ou à un syndicat de demander l’organisation d’élections professionnelles dispose que, lorsque l'employeur a engagé le processus électoral et qu'un procès-verbal de carence a été établi, la demande ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de 6 mois après l'établissement de ce document. Le salarié qui, ignorant l’existence de ce procès-verbal, notamment en raison d’une très faible ancienneté, solliciterait l’organisation du scrutin alors qu’il n’est pas admis à le faire, serait-il protégé pendant 6 mois ? On peut supposer que la réponse serait affirmative, sauf preuve de sa mauvaise foi.
Fanny DOUMAYROU
Pour en savoir plus sur la protection du salarié demandant l'organisation d'élections : voir Mémento Social no 63220.