Droit pénal spécial
Corruption en Mongolie : 4,8 millions d’euros d’amende pour Areva
Le président du tribunal judiciaire de Paris a validé, le 9 décembre dernier, la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) conclue le 2 décembre entre le procureur de la République financier et les sociétés Areva et Orano Mining. Celles-ci avaient fait l’objet d’une enquête préliminaire notamment du chef de corruption d’agent public étranger, en lien avec des activités minières (cédées par la première société à la seconde) en Mongolie, entre 2013 et 2017.
La CJIP stipule qu’Areva devra s’acquitter d’une amende de 4 800 000 euros, tandis que la société Orano Mining devra prendre en charge un programme de mise en conformité d’une durée de trois ans, sous le contrôle de l’agence française anticorruption. (TJ Paris, CJIP, 02-12-2024, Réf. PNF : 14 107 000 071)
Procédure pénale
Révocation du contrôle judiciaire : rappel des conditions d'annulation des actes de procédure
En toute matière, la chambre de l'instruction peut, au cours de l'information, être saisie aux fins d'annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure, notamment par les parties. Ne peuvent néanmoins faire l'objet d'une telle saisine les actes ou pièces de la procédure susceptibles d'un appel de la part des parties, en particulier les décisions rendues en matière de détention provisoire ou de contrôle judiciaire.
Méconnaît ces principes la chambre de l’instruction qui déclare irrecevable une requête en annulation d’ordonnances de révocation de contrôle judiciaire et de placement en détention. Cette requête tendait au premier chef à l’annulation d’actes de la procédure, tel le PV de surveillance, de filature et d’interpellation. Ces actes entrent dans le champ des actes et pièces de la procédure susceptibles de faire l’objet d’une requête en nullité. Ils ne présentent pas de caractère indissociable des ordonnances précitées et, en outre, ne pouvaient pas être contestés à l'occasion d'un appel devant la chambre de l'instruction, en raison de la règle de l'unique objet de la saisine de cette juridiction. (Crim. 10-12-2024, n° 24-82.423, F-B)
Validité de la saisie ciblée du téléphone portable d’un avocat
La saisie du contenu du téléphone portable d’un avocat, par extraction d’éléments correspondant à une liste de mots-clés, est régulière dès lors qu’elle a été effectuée de manière sélective et non intégrale, avec le concours d'un expert, et que les mots-clés, même nombreux (trois cent trente, en l’occurrence !), ont été retenus strictement et en rapport direct avec l'activité professionnelle de l'avocat et les faits et infractions objet de la procédure. Du reste, il revient, le cas échéant, à l'intéressé de désigner les éléments qu'il estime sans lien direct avec les infractions poursuivies, afin de permettre leur contrôle. (Crim. 10-12-2024, n° 24-82.350, F-B)
Perquisition en cabinet d’avocat : contours de la compétence du président de la chambre de l'instruction
L'examen de la proportionnalité de la saisie de pièces au cabinet d’un avocat au regard du périmètre de l'information dépasse l'office du président de la chambre de l'instruction statuant sur le fondement de l'article 56-1 du code de procédure pénale (relatif à de telles perquisitions et saisies), s'agissant d'une appréciation de la validité des actes du juge d'instruction qui ne peut s'envisager qu'au visa de l'article 173 du même code (la chambre de l'instruction étant alors compétente).
Par ailleurs, il entre seulement dans la compétence du président de la chambre de l'instruction, saisi sur le fondement de l'article 56-1, alinéa 8, de se prononcer sur la cancellation d'actes et de pièces figurant au dossier de la procédure d'information qui se réfèrent aux documents ou objets dont ce magistrat ordonne la restitution immédiate, ou au contenu des documents restitués. (Crim. 10-12-2024, n° 24-82.350, F-B, préc.)
Étendue de la saisine de la chambre de l'instruction sur requête du juge demandant une cancellation
Lorsque la chambre de l’instruction est saisie par le juge d’instruction pour l’exécution de cancellations devant être effectuées par la Cour de cassation, elle ne peut statuer sur l’entier dossier. Sa saisine est en effet strictement limitée à cette exécution et non à l'examen de la validité de pièces de procédure postérieures, sans rapport avec ce précédent contentieux.
Les parties, le témoin assisté et le juge d'instruction conservent le droit de soulever la nullité d'actes viciés en eux-mêmes devant la chambre de l'instruction. (Crim. 10-12-2024, n° 24-83.069, F-B)
Information du procureur en cas de retenue douanière
Selon l’article 323-3 du code des douanes, dès le début de la retenue douanière, le procureur de la République en est informé par tout moyen. Ainsi, la Cour de cassation estime que le délai d’une heure, durant lequel la personne qui a été notifiée de son placement en retenue est transférée à la brigade des douanes, n’est pas un délai raisonnable. En effet, elle juge que la notification des droits à la personne retenue ainsi que son transfert ne constituaient pas des circonstances insurmontables justifiant le retard dans l’information du procureur.
La Cour aligne par là même sa solution sur celle qu’elle avait rendue en matière de garde à vue (Crim. 07-11-2023, n° 23-81.004), aux termes de laquelle elle avait estimé qu’un retard d’information d’1 heure 40 n’était pas justifié par des circonstances insurmontables. (Crim. 04-12-2024, n° 23-84.559, FS-D)
Pour aller plus loin : voir la revue AJ pénal