Procédure pénale
Correctionnalisation d'un viol : la compétence des juridictions en matière criminelle réaffirmée
En matière répressive, la compétence des juridictions est d'ordre public et les juges du second degré, saisis de la cause entière par l'appel du ministère public, doivent examiner, même d'office, leur compétence et se déclarer incompétents si les faits poursuivis sont du ressort de la juridiction criminelle.
En l’espèce, un homme avait introduit son poing dans le vagin de sa compagne, en lui cachant la nature de l’acte qu’il allait commettre, lui occasionnant des lésions nécessitant une intervention chirurgicale. L’individu a été convoqué devant le tribunal correctionnel pour agression sexuelle à la suite d’une enquête préliminaire. En correctionnalisant ainsi des faits constituant le crime de viol, prévu et réprimé par l'article 222-23 du code pénal, et relativement auquel la juridiction correctionnelle était incompétente, la cour d'appel a méconnu les articles 469, 512 et 519 du code de procédure pénale. (Crim. 27-11-2024, n° 23-86.288, F-D)
Encadrement et contestation des visites douanières avant la loi du 18 juillet 2023
Dans les arrêts rapportés, la chambre criminelle se prononce sur les conditions du contrôle des marchandises, des moyens de transport et des personnes par les agents des douanes, en application de l'article 60 du code des douanes dans sa version antérieure à la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023 (loi « visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces »). Cette loi avait suivi l’abrogation, en 2022, de l’article par le Conseil constitutionnel, qui avait reporté au 1er septembre 2023 la date de cette abrogation (Cons. const. 22-09-2022, n° 2022-1010 QPC). En l’espèce, précisément, étaient en cause le contrôle et la fouille de véhicules effectués le 16 mai 2023 (pourvoi n° 24-82.224) et le 1er juillet 2023 (pourvoi n° 24-80.381).
Selon la Cour, ce droit de visite ne peut être exercé que si les agents constatent l'existence de raisons plausibles de soupçonner la commission ou la tentative de commission d'une infraction douanière, ou s'ils opèrent dans des zones et lieux présentant des risques particuliers de commission d'infractions douanières (v. aujourd’hui les art. 60-1 s. c. douanes). Ces zones et lieux sont le rayon douanier et les bureaux des douanes, tels que définis par l'article 44, dans sa rédaction antérieure à la loi précitée, et l'article 47 du code des douanes, ainsi que ceux énumérés par le premier alinéa de l'article 67 quater du même code.
La méconnaissance de ces conditions, susceptible d'avoir entraîné une atteinte au droit au respect de la vie privée, n'affecte qu'un intérêt privé. Aussi, le juge pénal ne peut prononcer la nullité, en application des dispositions de l'article 802 du code de procédure pénale, que si cette irrégularité elle-même a occasionné un préjudice au requérant. Il appartient à ce dernier d’établir ce grief (v. déjà Crim. 16-01-2024, n° 22-87.593), lequel ne peut résulter de la seule mise en cause de l’intéressé par l'acte critiqué (v. Crim. 07-09-2021, n° 21-80.642).
La chambre criminelle indique par ailleurs que les contrôles douaniers effectués sur le fondement de l'article 60 du code des douanes avant le 20 juillet 2023, date de l’entrée en vigueur de la loi du 18 juillet 2023, ne peuvent être contestés sur le fondement de l'inconstitutionnalité de cet article. (Crim. 04-12-2024, n° 24-82.224, FS-B et Crim. 04-12-2024, n° 24-80.381, FS-B ; v. aussi Crim. 04-12-2024, n° 24-82.730, F-B)
Peine et exécution des peines
Reconnaissance d'une peine prononcée à l’étranger : incidence de l’irrespect des délais légaux
Le non-respect du délai de quinze jours, prévu par l'article 728-52 du code de procédure pénale pour statuer sur une requête aux fins de contestation d'une décision de reconnaissance et d'exécution d'une peine prononcée par une juridiction étrangère, n'est assorti d'aucune sanction. La loi impose seulement au procureur de la République, lorsque ladite décision définitive ne peut être prise dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la réception de la condamnation et du certificat prévu par l'article 728-12, d’informer sans délai l'autorité compétente de l'Etat de condamnation des raisons du retard et du délai supplémentaire nécessaire pour que cette décision soit prise (C. pr. pén., art. 728-54). (Crim. 27-11-2024, n° 24-85.251, F-B)
Confirmation des modalités d’application dans le temps des nouvelles réductions de peine
La chambre criminelle confirme que l’article 721 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 concernant le nouveau régime des réductions de peine, doit être appliqué à toute personne incarcérée à la date du 1er janvier 2023, qu’elle l’ait été en détention provisoire ou en exécution d’une peine.
Elle casse ainsi trois ordonnances du président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Lyon, qui avait accordé une réduction de peine en raison de la conduite en détention et des efforts d'insertion de la personne condamnée, sans lui faire bénéficier du régime du crédit de réduction de peine. (Crim. 27-11-2024 [3e esp.], n° 24-80.309, F-D ; Crim. 27-11-2024, n° 24-80.307, F-D ; Crim. 27-11-2024, n° 24-80.306, F-D ; v. déjà Crim. 26-06-2024, n° 23-87.131, F-B)
Incompétence du juge répressif pour le recouvrement civil lié à une condamnation pénale
Les juridictions répressives peuvent statuer sur les incidents contentieux relatifs à l'exécution des sentences qu'elles ont prononcées, mais elles n’ont pas le pouvoir de constater la prescription d'une créance civile, même si elle résulte d'une décision pénale (C. pr. pén., art. 710 et Livre des procédures fiscales, art. L. 281, 2°, b – le juge de droit commun compétent étant celui défini par le code de l'organisation judiciaire s’agissant des procédures civiles d'exécution). Ainsi, elles ne peuvent se déclarer compétentes relativement à une requête visant à faire juger prescrite la créance de l’administration fiscale, dans une affaire d’escroquerie au préjudice de cette administration. En effet, une telle demande ne porte pas sur une difficulté en lien avec des dispositions de la décision pénale mais sur une difficulté de recouvrement de créance civile. (Crim. 04-12-2024, n° 23-84.028, F-B)
Pour aller plus loin : voir la revue AJ pénal