INFRACTIONS
Travail dissimulé
C'est à bon droit qu'une cour d'appel déclare coupable du délit de travail dissimulé par dissimulation d'activité les gérants d'une entreprise ostréicole ayant développé une activité de restauration, dès lors que ces derniers n'ont pas sollicité leur inscription au registre du commerce et des sociétés à raison de celle-ci. En effet, l'importance des moyens qui lui ont été consacrés, la fréquence et le montant des achats pour revendre qu'elle a nécessités, dépourvus de tout lien avec l'activité de production et leur prédominance sur celle-ci, d'un point de vue économique, ne permettent pas de les considérer comme le prolongement de l'activité de production ostréicole (Cass. crim. 29-11-2022 n° 22-82.615 F-B).
Harcèlement moral
Les tribunaux répressifs de l'ordre judiciaire ne sont compétents pour statuer sur les conséquences dommageables d'un acte délictueux commis par l'agent d'un service public que si cet acte constitue une faute personnelle détachable de ses fonctions. Une cour d’appel ne peut donc se reconnaître compétente pour statuer sur la responsabilité civile d’un maire ayant agi dans l’exercice de ses fonctions sans rechercher même d’office si la faute imputée à celui-ci était une faute personnelle détachable du service (Cass. crim. 15-11-2022 n° 22-81.550 F-D).
PROCEDURE PENALE
Sonorisation et captation d’images
Un même domicile peut faire l'objet de plusieurs mesures de sonorisation à l'occasion d'une même procédure, dès lors que la durée totale des opérations n'excède pas deux ans (CPP art. 706-95-16). De plus, un demandeur ne saurait se prévaloir d'une atteinte effective à sa vie privée consécutive au seul maintien dans les lieux d’un dispositif technique de sonorisation désactivé. Le dispositif, prévu à l'article 706-96 du Code de procédure pénale, avait en l’espèce été laissé sur place alors que l’accès aux lieux était devenu impossible en raison de la pose d’une serrure inviolable. Pour la Cour de cassation, dès lors que le dispositif de captation a été désactivé et le matériel de réception des conversations retiré dès la fin des opérations autorisées par le juge d'instruction, il était devenu inutilisable par les enquêteurs (Crim. 29-11-2022 n° 22-81.393 F-B).
Presse
En matière de presse, les réquisitions aux fins d'enquête qui se contentent de faire état d'une diffamation publique, sans autre précision sur le type de diffamation visé, ne qualifient pas les faits et n’interrompent donc pas la prescription de l’action publique. Quant au rappel à la loi, dès lors qu'effectué en deux temps, il entraîne la suspension du délai de prescription entre la date de la décision du ministère public et la date de notification dudit rappel à l'intéressé (Cass. crim. 29-11-2022 n° 22-81.814 F-B).
Instruction (mesures d’urgence)
Le délai de l’article 80-5 du Code de procédure pénale, exprimé en heures, doit être calculé en heures, à compter de celle à laquelle le réquisitoire introductif a été établi. Ce texte autorise le procureur de la République qui requiert l’ouverture d’une information judiciaire à permettre aux enquêteurs de poursuivre certaines mesures spéciales d’investigation pendant une durée de 48 heures à compter du réquisitoire introductif (Cass. crim. 29-11-2022 n° 22-82.615 F-B).
Supplément d’information
Saisie par citation ou par convocation par procès-verbal, une juridiction qui refuse d'ordonner un supplément d'information régulièrement sollicité avant le début de l'audience par conclusions écrites adressées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, doit spécialement motiver sa décision. L’obligation demeure même lorsque des conclusions, régulièrement déposées à l'audience, ne réitèrent pas expressément une telle demande d'actes (Cass. crim. 29-11-2022 n° 22-81.088 F-B).
Contrôle judiciaire
Le contrôle judiciaire de la personne renvoyée pour délit connexe devant la cour d'assises ou la cour criminelle départementale par la chambre de l'instruction prend fin avec l'arrêt de mise en accusation, sauf s'il est maintenu par un arrêt distinct et spécialement motivé (Cass. crim. 30-11-2022 n° 22-85.403 F-P). Une chambre de l’instruction ne peut donc pas, par un même arrêt, ordonner le renvoi d’un prévenu pour délits connexes devant la cour d’assises et décider de son maintien sous contrôle judiciaire.
Mineurs
Une question prioritaire de constitutionnalité relative aux dispositions de l’article 397-2-1 du code de procédure pénale autorisant le placement en détention provisoire d’une personne mineure, y compris lorsque sont en cause des infractions qui ne seraient pas d’une gravité suffisante, présente un caractère sérieux et est renvoyée au Conseil constitutionnel. Il en va de même des questions prioritaires de constitutionnalité relatives aux dispositions de l’alinéa 4 de l’article 55-1 du même code et des articles L. 413-16 et L. 413-17 du code de justice pénale des mineurs permettant de réaliser sous la contrainte des relevés d’empreintes digitales et palmaires et des photographies de personnes qui n’ont pas encore été déclarées coupables en vue d’alimenter le FAED (CE 29-11-2022 n° 464528)
Tribunal pénal canonique national
La conférence des évêques de France (CEF) a inauguré le 5 décembre 2022 une toute nouvelle structure dans le droit interne de l’église catholique, dénommée tribunal pénal canonique national (TPCN) et destinée notamment à traiter les affaires d’agressions sexuelles sur majeurs. Cette juridiction pourra prononcer diverses peines et condamner le coupable à verser des dommages et intérêts aux victimes parties civiles au procès. A noter tout de même que ce tribunal ne se substitue pas à la justice civile.
Violences intrafamiliales
Le 1er décembre 2022, l’Assemblée nationale a voté en faveur d’une proposition de loi portant création d’une juridiction spécialisée en matière de violences intrafamiliales. En raison d’une inconstitutionnalité probable, la proposition a peu de chance d’aboutir mais il s’agit tout de même d’une actualité notable.
DROIT PENAL DES AFFAIRES
Corruption
Le 30 novembre, le président du tribunal judiciaire de Paris a validé une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) conclue entre le parquet national financier (PNF) et la société Airbus, prévoyant le versement d’une amende de 15,9 millions d’euros afin de mettre fin aux enquêtes des autorités portant sur des faits de corruption d’agent public étranger et de corruption privée commis entre 2004 et 2016. L’accord s’inscrit dans la continuité de la première CJIP conclue par le groupe en 2020. C’est la 14e CJIP conclue par le PNF.
DROIT PENAL INTERNATIONNAL
Mandat d’arrêt européen
Dans l'affaire Vicenzo Vecchi, la chambre criminelle de la Cour de cassation se conforme à la décision de la CJUE rendue sur question préjudicielle (CJUE 7-7-22, aff. C-168/21) concernant la notion de double incrimination. Elle juge que dès lors qu'une partie des faits visés sous la qualification de dévastation et pillage constituait une infraction pénale en France, la chambre de l’instruction devait en déduire que la condition de double incrimination du fait ainsi qualifié était satisfaite. Elle refuse également de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC portant sur la question de la double incrimination posée par l’article 695-23 du Code de procédure pénale (Cass. crim. 29-11-2022 n° 20-86.216 FS-D).
Union européenne : sanction contre la Russie
Le Conseil de l’Union européenne a adopté le 28 novembre à l'unanimité une décision visant à ajouter la violation des mesures restrictives à la liste des infractions pénales de l'UE figurant dans le traité sur le fonctionnement de l'UE. La Commission européenne présentera prochainement une proposition de directive contenant des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions en cas de violation des mesures restrictives de l'UE. Ce projet de directive devra ensuite être examiné et adopté par le Conseil et le Parlement européen.
Pour aller plus loin : voir la revue AJ pénal