La Cour de cassation a rendu une centaine d'arrêts en matière sociale entre le 9 et le 11 mars 2016, parmi lesquels nous avons sélectionné les décisions suivantes.
Discrimination
- Est discriminatoire le fait de placer un salarié en inactivité le lendemain de son 55e anniversaire, en raison d'une longue exposition à des conditions de travail pénibles, alors que l'intéressé occupait depuis 5 ans un poste administratif et que son médecin traitant l'avait déclaré apte à poursuivre une activité professionnelle (Cass. soc. 9-3-2016 n° 14-25.840).
- Est victime d'une discrimination en raison de son état de santé le salarié n'ayant pas perçu un supplément de rémunération au motif que l'appréciation de ses compétences était difficile en raison de ses nombreuses absences pour maladie (Cass. soc. 11-3-2016 n° 15-10.615).
Rupture du contrat de travail
- Le défaut de paiement pendant une période limitée d'un complément de salaire lié au commissionnement sur les ventes n'est pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail et ne justifie donc pas la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur (Cass. soc. 9-3-2016 n° 15-10.804).
- Le terme « grief » dans une lettre de licenciement peut s’appliquer indifféremment à des faits fautifs et à des faits d’insuffisance professionnelle. A condition de respecter les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement, l'employeur peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'ils procèdent de faits distincts (Cass. soc. 11-3-2016 n° 14-27.020).
- L'employeur peut légitimement refuser d'inclure un salarié dans un plan de départ volontaire prévu par le plan de sauvegarde de l'emploi au motif que les compétences spécifiques de l'intéressé rendent impossible toute permutabilité avec d'autres employés concernés par le projet de suppression de postes (Cass. soc. 11-3-2016 n° 14-29.096).
- Dès lors que le plan de sauvegarde de l'emploi fait expressément référence, pour le montant de l'indemnité de licenciement qu'il prévoit, aux règles de calcul prévues par la convention collective, le plafonnement de l'indemnité prévu par ce texte s'applique aux salariés licenciés en application de ce plan (Cass. soc. 11-3-2016 n° 15-12.947).
- L'employeur est dispensé du paiement de l'indemnité de préavis lorsque le salarié est dans l'impossibilité d'exécuter son travail pendant cette période du fait de sa maladie (Cass. soc. 11-3-2016 n° 15-11.443).
Paie
- La majoration de 5 % applicable en cas de retard de paiement des cotisations et la majoration complémentaire de 0,4 % par mois ou fraction de mois écoulé peuvent faire l'objet d'une remise dans des conditions propres à chacune d'elles. Un tribunal ne peut donc pas accorder à une société la remise totale des majorations de retard sans distinguer selon la nature des majorations dont la remise est sollicitée (Cass. 2e civ. 10-3-2016 n° 15-13.713).
Représentation du personnel
- L'action exercée par le syndicat tendant à la constitution d'une réserve spéciale de participation en raison d'une fraude alléguée aux droits des salariés à la participation aux résultats de l'entreprise, qui résulterait d'une mise en location-gérance, suppose au préalable que le juge se prononce sur la validité du transfert des contrats de travail intervenu en application de l'article L 1224-1 du Code du travail. L'action en contestation du transfert d'un contrat de travail étant un droit exclusivement attaché à la personne du salarié, l'action du syndicat est irrecevable (Cass. soc. 9-3-2016 n° 14-11.837).
- Lorsqu'une liste commune a été établie par des organisations syndicales aux élections professionnelles, la répartition des suffrages exprimés se fait sur la base indiquée par elles lors du dépôt de leur liste, portée à la connaissance de l'employeur et des électeurs et, à défaut, à parts égales entre les organisations concernées. La base choisie, permettant de déterminer l'audience électorale et la représentativité, ne peut pas être modifiée a posteriori en fonction des résultats de l'élection (Cass. soc. 10-3-2016 n° 15-16.807).
- Un tribunal d’instance ne peut pas étendre les inéligibilités aux élections professionnelles prévues par l'article L 2314-16 du Code du travail à des situations qu’il ne prévoit pas (Cass. soc. 10-3-2016 n° 15-15.184).
Sécurité sociale
- N'est pas opposable à l'employeur la décision de prise en charge d'un accident du travail qui lui a été notifiée par la caisse sans qu'il ait été contacté au préalable pour formuler ses observations, de vive voix ou par questionnaire, alors que la déclaration d'accident était assortie de réserves motivées (Cass. 2e civ. 10-3-2016 n° 15-16.669).
- La caisse peut refuser de prendre en charge un syndrome du canal carpien au titre de la législation professionnelle dès lors que cette maladie préexistait à l'entrée au service de l'employeur chez lequel le salarié a été exposé au risque (Cass. 2e civ. 10-3-2016 n° 15-15.262).
- Des droits à pension de retraite du régime général ne peuvent être ouverts à un assuré au titre de périodes de formation professionnelle rémunérées par l'Etat qu'à concurrence du montant forfaitaire des cotisations versées par celui-ci (Cass. 2e civ. 10-3-2016 n° 15-16.204).
- Les juridictions du contentieux technique n’ont compétence qu’à l’égard des contestations relatives à l’état d’incapacité permanente de travail et notamment au taux de cette incapacité, en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, à l’exclusion des litiges relatifs à l’imputabilité d’une lésion à l’accident ou à la maladie. L’entier rapport médical que doit transmettre le praticien-conseil du service médical au médecin expert ou au médecin consultant désigné par le juge du contentieux technique, comprend, d’une part, l’avis et les conclusions motivées données à la caisse d’assurance maladie sur le taux d’incapacité permanente à retenir, d’autre part, les constatations et les éléments d’appréciation sur lesquels l’avis s’est fondé (Cass. 2e civ. 10-3-2016 n° 14-29.145).
Non-salariés
- Confirmation de jurisprudence : les revenus tirés d'un partnership (ici, de droit anglais) par un avocat exerçant son activité professionnelle en France revêtent le caractère d'un revenu d'activité non salariée retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu, de sorte qu'ils entrent dans l'assiette des cotisations d'allocations familiales dues par l'intéressé (Cass. 2e civ. 10-3-2016 n° 15-13.404).