Est constitutif d'un délit le fait, pour les gérants de SARL, de ne pas soumettre à l'approbation de l'assemblée des associés ou de l'associé unique l'inventaire, les comptes annuels et le rapport de gestion établis pour chaque exercice (C. com. art. L 241-5). Il résulte de ce texte qui, depuis sa modification par la loi 2012-387 du 22 mars 2012, ne réprime plus le fait de ne pas procéder à la réunion de l'assemblée des associés dans les six mois de la clôture de l'exercice ou, en cas de prolongation, dans le délai fixé par décision de justice, que le seul retard dans la soumission des documents comptables à l'assemblée des associés ou à l'associé unique d'une SARL n'est pas constitutif d'une infraction pénale.
Après avoir énoncé ce principe, la Haute Juridiction censure la décision d'une cour d'appel qui, pour déclarer le gérant d'une SARL coupable de non-soumission des documents comptables à l'assemblée générale, avait retenu que ce délit est constitué si cette soumission n'intervenait pas dans un délai de six mois à compter de la clôture de l'exercice, sauf prolongation par décision judiciaire.
A noter :
1° Application du principe d'interprétation stricte de la loi pénale.
A la lettre de l'article L 241-5 du Code de commerce, le gérant ne peut être poursuivi pénalement que dans le cas où, ayant réuni l'assemblée (dans les délais ou non, peu importe), il ne lui a pas soumis l'un des documents comptables cités par l'article L 241-5 mais il n'est pas punissable pour ne pas avoir réuni du tout l'assemblée. Ce raisonnement conduit à une situation dans laquelle le dirigeant qui ne soumet pas tout ou partie des documents comptables à l'assemblée qu'il a convoquée est plus sévèrement traité que celui qui ne convoque pas du tout l'assemblée.
On aurait donc pu penser que le texte pénal serait entendu comme impliquant nécessairement la réunion de l'assemblée annuelle dans les délais (désormais visés au seul article L 223-26, al. 1 du Code de commerce), ce qui aurait rendu le gérant n'ayant pas réuni l'assemblée pénalement sanctionnable. En effet, dans ce cas, le juge aurait à notre avis pu s'écarter du principe d'interprétation stricte du texte pénal comme il a pu être autorisé à le faire quand le texte comporte une erreur de rédaction (pour une illustration, voir Cass. crim. 8-3-1930 : DP 1930 I p. 101, cas dans lequel, à une époque où le règlement de police des chemins de fer interdisait aux voyageurs de « descendre ailleurs que dans les gares et lorsque le train est complètement arrêté », ce qui paraissait imposer de sauter du train en marche, la Cour de cassation avait autorisé le juge à faire prévaloir l'esprit du texte sur sa lettre, absurde, et à condamner les voyageurs n'ayant pas attendu l'arrêt complet du train pour en descendre).
La solution rendue par la Cour de cassation dans la présente affaire est transposable aux sociétés anonymes, aux sociétés en commandite par actions et aux sociétés européennes (C. com. art. L 242-10, qui punit d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 9 000 € le fait, pour le président ou les administrateurs d'une société anonyme, de ne pas soumettre à l'approbation de l'assemblée générale ordinaire les comptes annuels et le rapport de gestion, sur renvoi de l'art. L 242-30 pour les membres du directoire de sociétés anonymes, sur renvoi de l'art. L 243-1 pour les gérants de sociétés en commandite par actions et sur renvoi de l'art. L 244-5 pour les dirigeants de sociétés européennes).
2° Notons que, si le retard dans la convocation de l'assemblée a causé un préjudice à la société ou à l'un de ses associés, les dirigeants peuvent être condamnés à le réparer au titre d'une faute de gestion ou d'une violation des dispositions légales.
Par ailleurs, un tel retard pourrait justifier une révocation pour juste motif (pour une illustration, voir CA Paris 7-2-2023 n° 20/06615 : RJDA 6/23 n° 314).
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