Des époux constituent une société civile immobilière dont ils détiennent 50 % des parts en pleine propriété et 50 % des parts en usufruit, la nue-propriété des parts démembrées appartenant à leurs enfants. Pendant deux années consécutives, la SCI constate des déficits fonciers que les époux imputent, pour leur totalité, sur les revenus fonciers dont ils disposent par ailleurs. L’administration remet en cause la déduction de la moitié des déficits, correspondant aux parts détenues en usufruit : selon elle, les déficits constatés par une société dont les résultats sont, en vertu de l’article 8 du CGI, imposables entre les mains de ses associés, ne peuvent être imputés que par les nus-propriétaires des parts.
L’argumentation de l’administration ne convainc pas le tribunal administratif. L’article 8 du CGI prévoit qu' « en cas de démembrement de la propriété de tout ou partie des parts sociales, l'usufruitier est soumis à l'impôt sur le revenu pour la quote-part correspondant aux droits dans les bénéfices que lui confère sa qualité d'usufruitier. Le nu-propriétaire n'est pas soumis à l'impôt sur le revenu à raison du résultat imposé au nom de l'usufruitier ». Relevant que ces dispositions ne font pas de différence, en ce qui concerne l’imposition de l’usufruitier des parts, selon que le résultat de la société est positif ou négatif, les premiers juges estiment que les époux étaient fondés à déduire la totalité des déficits.
La cour administrative d’appel n’est pas de cet avis : procédant à une lecture littérale de l’article 8 du CGI, elle considère que l’usufruitier de parts sociales n’est imposable qu’à raison de la quote-part résultant de ses droits d’usufruitier dans les bénéfices sociaux et qu’il ne peut donc pas, sauf s’il en est convenu autrement avec le nu-propriétaire, déduire les déficits constatés par la société.
à noter : La motivation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux n’est pas convaincante. La lecture littérale de l’article 8 du CGI à laquelle elle procède, selon laquelle le terme « bénéfices » est exclusif de la notion de déficits, nous semble par trop réductrice. Observons d’ailleurs que si cette même lecture littérale devait être faite de la première phrase de l’article 8, qui fixe les règles générales d’imposition des sociétés de personnes et prévoit que « les associés (de ces sociétés) sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société », ces associés n’auraient pas non plus droit à la déduction des déficits !
Les travaux préparatoires à la loi que la cour invoque pour appuyer son interprétation n’emportent pas plus la conviction.
En pratique : en attendant que la question soit tranchée par le Conseil d’Etat, les associés auront intérêt à prévoir le sort des déficits dans les statuts de la société ou dans une convention conclue entre nus-propriétaires et usufruitiers, passée avant la clôture de l’exercice. Les déficits pourront ainsi être attribués aux usufruitiers, en totalité ou selon toute règle de répartition définie par les parties.
Pour en savoir plus sur la répartition de l'impôt lorsque des parts sociales sont démembrées : voir Mémento Patrimoine, nos 3560 s.