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Sociétés agricoles : de nouvelles activités possibles et un droit à l’essai avant de s’associer

La loi pour la souveraineté alimentaire sécurise juridiquement l’exercice d’une activité commerciale par une structure agricole à caractère civil et innove en créant au profit des agriculteurs un droit à l’essai avant qu’ils ne s’associent pour exercer une activité agricole en commun.

Loi 2025-268 du 24-3-2025 art. 26 et 28 : JO 25 texte n° 1


Par Valentine OBLIN
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@Getty images

La loi 2025-268 du 24 mars 2025 d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture contient deux dispositions intéressant le droit des sociétés et des autres groupements agricoles (art. 26 et 28) . L’une étend aux activités commerciales le champ des activités qui peuvent être exercées par une société ou un groupement agricole (art. 28) ; l’autre crée un dispositif permettant aux personnes souhaitant s’associer en vue d’une exploitation agricole commune de faire un essai pour une durée limitée (art. 26).

La première mesure est entrée en vigueur le 26 mars 2025, le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel ; l’application de la seconde est, à notre avis, subordonnée à la publication d’un texte réglementaire (n° 11).

Possibilité d’exercer une activité commerciale accessoire  

Les sociétés et les groupements agricoles ont un objet civil en raison de leur activité qui est réputée civile par détermination de la loi : activité de production agricole et activités agricoles par accessoire, c’est-à-dire se situant dans le prolongement de cette production ou ayant pour support l’exploitation agricole (C. rur. art. L 311-1).

Jusqu’à présent, les structures agricoles ne pouvaient pas exercer une activité commerciale sauf à en supporter les conséquences juridiques négatives pour elles-mêmes et leurs associés, nonobstant certaines dispositions fiscales permettant d’éviter un assujettissement de la structure à l’impôt sur les sociétés.

Il a ainsi été jugé que l’exercice d’une activité commerciale par une société civile avait entraîné la constitution d’une société commerciale créée de fait (CA Rouen 22-11-1995 : JCP E 1997 n° 992 note Arrighi). La création d’une telle société expose notamment les associés à une responsabilité indéfinie et solidaire pour les dettes nées de l’activité commerciale dès lors qu’ils ont agi au vu et au su des tiers (C. civ. art. 1873 et 1872-1, al. 2).

Afin de sécuriser sur le plan juridique l’exercice d’une activité commerciale par une société ou un groupement agricole (Rapport Sén. n° 250 du 21-1-2025), la loi 2025-268 autorise ces structures à exercer des activités accessoires de nature commerciale en lien avec leurs activités agricoles tout en conservant leur caractère civil (C. rur. art. L 320-1 nouveau ; Loi 2025-268 art. 28).

A notre avis, le critère du lien avec l’activité agricole devrait permettre d’exercer des activités au-delà de celles considérées comme agricoles par accessoire (voir n° 2). Cette notion est en effet interprétée strictement. Ainsi n’entre pas dans cette catégorie une activité d’hôtellerie exercée dans un corps de ferme (Cass. com. 13-7-2010 n° 09-16.100 F-PB : RJDA 11/10 n° 1090, 1e espèce).

L’exercice d’activités commerciales doit en outre rester accessoire et est donc soumis à des conditions de seuils. A ce titre, les recettes tirées des activités commerciales ne doivent pas excéder 20 000 € ni 40 % des recettes annuelles tirées de l’activité agricole. Pour les groupements fonciers agricoles d’exploitation en commun (Gaec), le plafond de 20 000 € est multiplié par le nombre d’associés (C. rur. art. L 320-1 nouveau).

La faculté d’exercer des activités commerciales bénéficie aux sociétés et groupements agricoles suivants (C. rur. art. L 320-1 nouveau) :

  • les groupements fonciers agricoles et les groupements fonciers ruraux ;

  • les Gaec ;

  • les exploitations agricoles à responsabilité limitée ;

  • les sociétés civiles d’exploitation agricole et les groupements de propriétaires ou d’exploitants.

Cette disposition est entrée en vigueur le 26 mars 2025, lendemain de la publication de la loi au Journal officiel, mais il est à notre avis nécessaire que les sociétés ou les groupements agricoles souhaitant exercer une activité commerciale spécifique modifient au préalable leurs statuts pour y inclure ladite activité.

Un contrat d’« association à l’essai »

La loi 2025-268 instaure un dispositif original : le « droit à l’essai » en vue de l’exploitation en commun d’une activité agricole (C. rur. art. L 330-9 nouveau ; Loi art. 26).

Désormais, une personne physique majeure qui a un projet d’exercice en commun d’une activité agricole avec d’autres exploitants agricoles ou une société à objet agricole (par exemple, un Gaec) peut effectuer un « essai d’association » pendant un an, durée renouvelable une fois (C. rur. art. L 330-9, I-al. 1 et 2 nouveau).

Le dispositif repose sur la conclusion d’une convention écrite précisant les conditions de l’essai (C. rur. art. L 330-9, II).

Le contenu et la durée de cette convention sont, dans une large mesure, encadrés par la loi : la convention doit être conclue à titre gratuit et prévoir un accompagnement par une personne qualifiée ; sa durée doit être d’un an, renouvelable une fois, étant précisé qu’elle peut être résiliée à tout moment et sans indemnité par chacune des parties ; enfin, elle doit être établie selon un modèle qui sera fixé par arrêté ministériel (même art.).

Précision importante : la convention ne constitue pas un contrat de société ; elle ne peut prévoir pour la personne à l’essai ni la détention de parts sociales, ni la participation aux bénéfices, ni la contribution aux pertes (C. rur. art. L 330-9, II-al. 3). La personne effectuant l’essai n’acquiert donc pas le statut d’« associé »  ; elle doit être liée à la société ou aux autres exploitants par un contrat de travail, de stage ou d’apprentissage ou encore un contrat d’entraide si elle a déjà la qualité de chef d’exploitation ; elle peut aussi avoir le statut d’aide familial (C. rur. art. L 330-9, I-al. 1 et 2 nouveau).

La mesure, qui a été introduite par voie d’amendement lors des débats parlementaires, a pour objectif de permettre aux agriculteurs de tester l’entente entre futurs associés et de planifier l’organisation de leur activité en commun (amendement CE 309). Elle fait suite à une expérimentation effectuée depuis 2020 à l’initiative de l’association Gaec et Sociétés dans plusieurs départements-test (cf. Rép. Daubié : AN 16-4-2024 n° 12641).

Le dispositif est entré en vigueur le 26 mars 2025, lendemain de la publication de la loi au Journal officiel. Selon nous, avant de conclure les premières conventions d’association à l’essai, il convient d’attendre la publication de l’arrêté qui en fixera le modèle.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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