1. En 2010, l’Autorité de la concurrence s’était inquiétée de la difficulté rencontrée par les magasins indépendants pour changer d’enseignes dans le secteur de la distribution alimentaire et d’une atteinte corrélative à la libre concurrence (Avis n° 10-A-26 du 7-12-2010 sur les contrats d'affiliation de magasins indépendants). Elle avait notamment relevé que la multiplicité des contrats susceptibles de lier un exploitant à un groupe de distribution (contrat de franchise ou contrat d'adhésion à une coopérative de commerçants indépendants, contrats d'approvisionnement, de location-gérance, de bail, pacte d'associés, etc.) et dont les échéances ne coïncident pas constituaient un frein au changement d’enseigne.
En 2011, le Gouvernement avait déposé un projet de loi (no 3508) tendant à faciliter ces changements (regroupement des engagements dans une convention unique d’affiliation d’une durée limitée à dix ans pour les magasins dépendant principalement de la vente de produits alimentaires et encadrement des obligations postcontractuelles de non-affiliation et de non-concurrence. Ce texte n’a pas été adopté.
2. L’article 31 de la loi Macron introduit dans le Code de commerce un nouveau Titre (« Des réseaux de distribution commerciale » ; art. L 341-1 s. nouveaux) s’inspirant de ce projet : s’il ne limite pas la durée des contrats, il institue un principe de synchronisation de leur extinction et il prévoit la limitation des obligations prenant effet à la fin des contrats.
3. Le Conseil constitutionnel a validé l’article 31 estimant qu’il poursuivait un objectif d’intérêt général (assurer un meilleur équilibre de la relation contractuelle entre l'exploitant d'un commerce de détail et le réseau de distribution auquel il est affilié) et qu’il ne portait pas une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté contractuelle et aux conventions légalement conclues (Const. const. 5-8-2015 n° 2015-715 : JO du 7).
4. Le dispositif exposé ci-dessous entrera en vigueur le 6 août 2016 (Loi 2015-990 art. 31, II).
Contrats visés
5. Le nouveau dispositif vise l’ensemble des contrats conclus entre, d’une part, une personne physique ou une personne morale de droit privé regroupant des commerçants (autre que les magasins collectifs de commerçants indépendants régis par les articles L 125-1 et suivants du Code de commerce) ou mettant à disposition un nom commercial, une marque ou une enseigne et, d’autre part, toute personne exploitant, pour son compte ou pour le compte d’un tiers, un magasin de commerce de détail, ayant pour but commun l’exploitation de ce magasin et comportant des clauses susceptibles de limiter la liberté d’exercice de son activité commerciale par l’exploitant (C. com. art. L 341-1, al. 1).
Sera concernée la totalité du commerce de détail et non seulement celui des produits alimentaires. En visant la personne « exploitant pour son compte ou pour le compte d’un tiers », la loi sera applicable tant aux réseaux de distribution « coopératifs », regroupant des commerçants indépendants, qu'aux réseaux intégrés constitués de succursales ou de filiales.
6. En revanche, ne sont pas concernés les baux commerciaux, le contrat d’association et le contrat de société civile, commerciale ou coopérative (art. L 341-1, al. 3). L’exploitant ne pourra comme actuellement « sortir » de ces contrats que conformément aux règles qui régissent chacun d’entre eux.
Par exemple, l’exploitant locataire ne perdra pas le bénéfice de la propriété commerciale tandis que le bailleur sera contraint de poursuivre le bail malgré le changement d'enseigne même si le bail impose l’exploitation sous une enseigne déterminée. En effet, est nulle la clause d'un bail, que les parties ont conclu en même temps qu'un contrat de franchise avec lequel il forme un tout indivisible, obligeant un locataire, franchisé du bailleur, à exercer son activité dans les lieux loués sous une enseigne déterminée pendant toute la durée du bail car elle a pour effet d'interdire au locataire de mettre en œuvre une déspécialisation partielle du bail (Cass. 3e civ. 12-7-2000 n° 98-21.671 : RJDA 11/00 no 363). Cette solution est à notre avis applicable quel que soit le mode de distribution choisi par le fournisseur (franchise, concession, mandat, etc.)
Extinction simultanée des contrats
7.Extinction par arrivée du terme. L’ensemble des contrats précités devra prévoir une échéance commune (C. com. art. L 341-1, al. 1). Tous les contrats seront donc à durée déterminée. L’option consistant à limiter cette durée à neuf ans et à interdire le renouvellement des contrats par tacite reconduction (Projet de loi n° 300 présenté au Sénat) n’a pas été en définitive retenue.
Mais que se passera-t-il si le terme extinctif des contrats ne coïncide pas ? Faudra-t-il considérer que la plus courte des durées prévues vaudra pour tous les contrats ? La loi nouvelle ne le précise pas. Elle ne précise pas plus la sanction du non-respect de cette obligation.
8. Extinction par résiliation. La résiliation de l’un des contrats visés n° 5 vaudra résiliation de l’ensemble des contrats (art. L 341-1, al. 2). Compte tenu de la généralité de ses termes, ce texte vise tant la résiliation unilatérale prévue de plein droit par une clause du contrat que celle prononcée par le juge au regard de la gravité de la faute de l’un des cocontractants. Il n’est pas non plus fait de distinction selon l’auteur du manquement à l’origine de la résiliation.
Actuellement, la résiliation ou l’annulation d’un contrat ne peut emporter celle d’un autre contrat que si les deux contrats sont interdépendants ou indivisibles (jurisprudence constante, notamment Cass. com. 23-9-2014 n° 13-14.815 : BRDA 23/14 inf. 17). Le juge du fond apprécie souverainement si telle a bien été l’intention des parties (par exemple, Cass. com. 12-7-2011 n° 10-22.930 : BRDA 15-16/11 inf. 14). Toutefois, les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants, nonobstant les clauses contraires (Cass. ch. mixte 17-5-2013 nos 11-22.768, 11-22.927 : BRDA 10/13 inf. 27).
En l’application de l’article L 341-1, la résiliation groupée interviendra même si les contrats en cause ne sont pas interdépendants. Toutefois, la jurisprudence précitée restera applicable en cas d’annulation d’un des contrats puisque le nouveau texte ne vise que la résiliation.
Encadrement des clauses postcontractuelles
9. Toute clause ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation de l’un des contrats visés n° 5, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat sera réputée non écrite (C. com. art. L 341-2 nouveau, I).
Par exception, demeureront applicables les clauses répondant aux conditions cumulatives suivantes (art. précité, II) :
- la clause concerne des biens et services en concurrence avec ceux qui font l’objet du contrat ;
- elle est limitée aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat ;
- elle est indispensable à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat ;
- sa durée n’excède pas un an après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats.
10. Ces critères de validité sont proches de ceux qu’appliquent actuellement les tribunaux aux clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation : limitation dans le temps et dans l’espace et proportionnalité aux intérêts du créancier de la clause. Ainsi, en matière de franchise, la proportionnalité est appréciée au regard de la protection du savoir-faire transmis et du réseau (Cass. com. 16-9-2014 n° 13-18.710 : RJDA 3/15 n° 230). Elle ne doit pas mettre le commerçant dans l'impossibilité de poursuivre l'exploitation de son fonds de commerce dans des conditions économiquement rentables (Cass. com. 18-12-2012 n° 11-27.068 : BRDA 1/13 inf. 14 ; Cass. com. 16-9-2014 précité rendus dans le secteur de la distribution alimentaire ; Cass. com. 3-4-2012 n° 11-16.301 : RJDA 6/12 n° 560 pour une agence immobilière).