Dans cette affaire, en raison de la pandémie de Covid-19, une société exploitant et gérant le réseau public de distribution d’électricité français met en œuvre en mars 2020 un plan de continuité d’activité prévoyant :
la mise en place d’un service minimum assuré par les agents sur le terrain concernant les activités strictement nécessaires au maintien de la continuité de fourniture d’électricité et à la sécurité des biens et des personnes ;
le placement d'agents en travail à distance pour les activités pouvant être réalisées par les salariés à partir de leur domicile avec les outils à leur disposition.
L'octroi de l'indemnité de « cantine fermée » aux seuls salariés travaillant sur site...
Par la suite, un accord collectif, conclu le 12 juin 2020 et applicable jusqu’au 31 décembre 2020, prévoit au profit des salariés amenés à déjeuner habituellement dans un restaurant extérieur un « droit d’indemnité de cantine fermée ». Selon l’accord, les salariés bénéficient de cette indemnité lorsqu’aucune solution de restauration alternative ne peut être mise en œuvre (possibilité de commander ou de faire livrer des repas sur site). Celle-ci est également versée par l’employeur aux salariés travaillant sur site lorsque la cantine est fermée et qu’il n’existe aucune possibilité de commander ou de se faire livrer des repas depuis le 17 mars 2020 et à partir du 1er janvier 2021.
Estimant que cette indemnité doit également être versée aux salariés en télétravail, un syndicat saisit la formation des référés d’un tribunal judiciaire afin notamment qu’elle ordonne, sous astreinte, à la société de verser « l’indemnité pour cantine fermée » à l’ensemble des salariés de l’entreprise contraints de travailler à distance dans le cadre de la pandémie pour chaque jour travaillé depuis le 16 mars 2020.
… ne porte pas atteinte au principe d’égalité de traitement avec les télétravailleurs
Débouté de sa demande par la cour d’appel, le syndicat se pourvoit en cassation. Il fait valoir en premier lieu une atteinte au principe d’égalité de traitement entre les salariés travaillant dans les locaux de l’entreprise et les télétravailleurs, qui, selon l’article L 1222-9, III du Code du travail, ont les mêmes droits. Pour lui, les télétravailleurs doivent en conséquence être considérés comme exécutant leur travail dans les locaux de l’entreprise pour l’appréciation de leurs droits. En outre, les télétravailleurs sont, tout comme les salariés travaillant sur site dont la cantine est fermée, privés d’un accès à cette dernière du fait de leur position en télétravail et se trouvent ainsi dans une position identique à celle de ces salariés au regard de l’avantage en cause sans que la différence de traitement ainsi observée soit justifiée par une raison objective et pertinente.
La Cour de cassation ne partage pas cette analyse et confirme la décision de la cour d’appel. Pour elle, l’indemnité de « cantine fermée » ayant pour objet de compenser la perte, par l’effet de la pandémie, du service de restauration d’entreprise offert aux salariés présents sur les sites de l’entreprise, les salariés en télétravail ne se trouvent pas dans la même situation que ceux qui, tenus de travailler sur site, sont privés de ce service. Dès lors, ils ne peuvent pas prétendre au versement de l’indemnité.
Cantine fermée durant la pandémie : pas de coût supplémentaire pour les télétravailleurs
En deuxième lieu, le syndicat soutient que le télétravail induit une charge financière supplémentaire pour les salariés placés en télétravail par leur employeur en raison de la pandémie alors qu’en application de l’article L 4122-2 du Code du travail les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour eux.
La Cour de cassation rejette également cet argument. Pour elle, les salariés en situation de télétravail n’ayant pas vocation à fréquenter le restaurant d’entrepris e, la fermeture administrative de ce dernier en raison de la pandémie n’entraîne pas de charge financière supplémentaire pour eux.
A noter :
On relèvera que, si, dans l’arrêt du 24 avril 2024, la Cour de cassation considère que la fermeture administrative du restaurant d’entreprise du fait de la pandémie de Covid-19 n’entraîne pas de charge supplémentaire pour les télétravailleurs, elle ne juge pas que la mise en télétravail n’engendre aucun coût supplémentaire pour eux.
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