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Temps partiel : un complément d'heures ne peut pas porter la durée du travail convenue à temps plein

Conclure un avenant de complément d'heures avec un salarié à temps partiel ne doit pas avoir pour effet de porter la durée du travail au niveau de la durée légale ou conventionnelle, sous peine de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein.

Cass. soc. 21-9-2022 n° 20-10.701 FS-B, H. c/ Sté Master Net


Par Valérie DUBOIS
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©Gettyimages

La durée de travail d’un salarié à temps partiel peut être augmentée temporairement par avenant…

Une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir la possibilité, par un avenant au contrat de travail, d'augmenter temporairement la durée de travail prévue par le contrat. Les heures complémentaires accomplies au-delà de la durée déterminée par l'avenant donnent lieu à une majoration salariale qui ne peut être inférieure à 25 % (C. trav. art L 3123-22, al. 1 et 6 dans leur rédaction issue de la loi 2016-1088 du 8-8-2016, dite « loi Travail »). Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement (C. trav. art. L 3123-9 dans sa rédaction issue de la loi Travail).

A noter :

Avant la loi Travail, les dispositions de l'article L 3123-9 du Code du travail, qui fixe la limite absolue des heures complémentaires pouvant être effectuées par un salarié à temps partiel, figuraient à l'alinéa 2 de l'article L 3123-17 du même Code et les alinéas 1 et 6 de l'article L 3123-22 du Code du travail, qui prévoit le dispositif du complément d'heures, figuraient à l'article L 3123-25, alinéa 1. La seule différence était que ce dernier prévoyait que les heures complémentaires accomplies au-delà du complément d'heures donnaient lieu à une majoration salariale d'au moins 25 % par dérogation au dernier alinéa de l'article L 3123-17 du Code du travail fixant une majoration de salaire de 10 % pour les heures complémentaires accomplies dans la limite du dixième de la durée du travail contractuelle.

Dans un arrêt du 21 septembre 2022, rendu dans le cadre juridique antérieur à la loi Travail, la Cour de cassation répond pour la première fois à la question de savoir si la limite absolue posée par le Code du travail pour l'accomplissement des heures complémentaires vaut également pour les compléments d'heures.

En l'espèce, une salariée signe un avenant à son contrat de travail à temps partiel le 22 décembre 2014 portant sa durée mensuelle de travail de 86,67 heures à 152 heures pour une période de plus de 10 mois à compter du 1er janvier 2015.

Estimant que sa durée du travail a été portée à hauteur de la durée légale, en violation des dispositions de l'article L 3123-17 du Code du travail, elle saisit la juridiction prud'homale afin de demander requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein depuis le 1er janvier 2015. La cour d'appel l'ayant débouté de sa demande, considérant que l'avenant signé par les parties était conforme aux dispositions légales et conventionnelles, la salariée se pourvoit en cassation.

La question posée à la Cour de cassation et qui présentait un caractère inédit était donc celle de savoir si l'avenant de complément d'heures conclu avec un salarié à temps partiel peut avoir pour effet de porter la durée du travail convenue à hauteur de la durée légale sans que la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein soit encourue.

A noter :

Rappelons que le dispositif du complément d'heures par avenant a été introduit dans le Code du travail à l'article L 3123-25 par la loi 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, mais qu'à cette occasion le législateur est resté muet sur la question de savoir si un complément d'heures peut porter la durée de travail d'un salarié à temps partiel jusqu'au niveau du temps plein. En outre, des réponses discordantes y ont été apportées lors de l'examen de la loi. En effet, le rapporteur de celle-ci devant l'Assemblée nationale considérait que le complément d'heures pouvait permettre au salarié d'atteindre temporairement la durée légale du travail (Déb. AN - Rapport 847). Mais selon le rapporteur de la loi devant le Sénat, il appartenait aux employeurs, pour éviter que le juge, saisi par le salarié, ne requalifie le contrat à temps partiel en contrat à temps plein, de veiller à ne pas utiliser les avenants de complément d'heures pour faire accomplir à leurs salariés la durée légale ou conventionnelle de travail (Déb. Sén. - Rapport 501).

… mais si elle atteint le temps plein, le contrat à temps partiel est requalifié à temps complet

La Cour de cassation répond par la négative à la question qui lui était posée et censure la décision de la cour d'appel. Pour elle, il résulte de la combinaison des articles L 3123-25, alinéa 1 et L 3123-17, alinéa 2 du Code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi Travail, que la conclusion d'un avenant de complément d'heures à un contrat de travail à temps partiel, sur le fondement de l'article L 3123-25, ne peut pas avoir pour effet de porter la durée du travail convenue à un niveau égal à la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement. Aussi, la cour d'appel de Versailles, qui avait constaté que l'avenant conclu entre les parties avait eu pour effet de porter la durée du travail prévue par le contrat de la salariée employée à temps partiel au niveau de la durée légale du travail, ne pouvait pas juger cet avenant valide et débouter la salariée de sa demande en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein.

L'affaire est renvoyée devant cette même cour d'appel, autrement composée, qui, sur la base de ces constatations, devra prononcer la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein.

A noter :

Cette solution, qui a le mérite de maintenir étanche la séparation entre le régime du travail à temps partiel et celui du travail à temps complet, semble logique, eu égard à celle déjà adoptée par la Cour de cassation en matière d'heures complémentaires et selon laquelle, lorsque le recours à des heures complémentaires a pour effet de porter la durée du travail d'un salarié engagé à temps partiel au niveau de la durée légale ou conventionnelle, le contrat de travail à temps partiel est requalifié en contrat à temps plein dès la première irrégularité (Cass. soc. 12-3-2014 n° 12-15.014 FS-PB ; Cass. soc. 17-12-2014 n° 13-20.627 FS-PB).

Rendue en application des dispositions légales antérieures à la loi Travail, la solution retenue par la Cour de cassation conserve, selon nous, toute sa valeur dans le cadre juridique actuel issu de cette loi, compte tenu de la reprise, quasi à l'identique, des dispositions légales antérieures.

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© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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