Une femme décède, laissant, à défaut de conjoint survivant ou d’héritier réservataire, ses frères et sœurs, vivants ou représentés. Prolixe, elle a, de son vivant, rédigé quatre testaments : dans les deux premiers, elle institue un de ses frères légataire universel ; dans le troisième, elle révoque les précédents tout en réitérant le legs universel au profit de son frère ; enfin, dans son quatrième, elle annule son deuxième testament : « Je soussignée (…) annule mon testament daté du 16 février 2008 (…) Motif : Hospitalisée au printemps 2010, puis en convalescence (…) mon frère s’est contenté de faire appel à un juge des tutelles pour faire adopter à mon endroit un mandat de protection future me privant, depuis, de toute liberté élémentaire, sans même en aviser un conseil de famille, trahissant de cette façon la confiance que je lui accordais précédemment. (…) »
Le frère déchu conteste la validité de ce dernier testament pour insanité d’esprit, sans succès auprès du tribunal judiciaire, qui décide que ce dernier testament a non seulement révoqué expressément le deuxième, mais est également incompatible avec la partie du troisième en ce qu’il a réitéré la désignation du frère en qualité de légataire universel (C. civ. art. 1036).
La cour d’appel confirme. Elle relève que le dernier testament :
n’a pas été dénaturé par le tribunal, la testatrice y exposant clairement son motif pour révoquer son deuxième testament, à savoir la trahison de son frère ;
laisse voir que la testatrice ne souhaitait plus que son frère soit son légataire universel du fait de l’intervention de celui-ci pour la placer sous un régime de protection. Le troisième testament, qui contient comme disposition principale l’institution de ce frère en tant que légataire universel, est donc indiscutablement incompatible avec les dernières volontés de la défunte.
A noter :
Dans cette affaire, une fois l’insanité d’esprit de la testatrice – opposée par le frère déchu pour sauver sa vocation testamentaire – écartée par les juges du fond, la révocation par la testatrice dans son nouveau (et dernier) testament de l’un, antérieur, exprimée en des termes clairs, ne faisait aucun doute. La loi autorise, en effet, la révocation expresse d’un testament sous réserve de respecter un formalisme strict. Elle peut se faire par un testament postérieur ou par un acte devant notaires portant déclaration du changement de volonté (C. civ. art. 1035).
L’illustration, classique, de la révocation expresse par testament révocatoire postérieur s’accompagne ici d’un cas de révocation tacite ou, autrement dit, d’un cas d’incompatibilité des testaments successifs. Rappelons qu’à défaut de révocation expresse la pluralité de testaments ne condamne pas ipso facto à l’inefficacité les plus anciennes dispositions au profit des plus récentes. L’application cumulative de l’ensemble des dernières volontés est de principe. Toutefois, la loi admet la révocation tacite lorsqu’il y a incompatibilité entre les différents testaments : « Les testaments postérieurs, qui ne révoqueront pas d'une manière expresse les précédents, n'annuleront, dans ceux-ci, que celles des dispositions y contenues qui se trouveront incompatibles avec les nouvelles ou qui seront contraires » (C. civ. art. 1036). En l’espèce, la confiance trahie par son frère dont la testatrice fait état dans son dernier testament a entraîné la perte de sa qualité de légataire universel réitérée jusque-là dans chacun de ses testaments. En la matière, les juges du fond apprécient souverainement la volonté révocatoire du testateur et la portée de sa révocation. Nul doute que, pour éviter le recours à l’interprétation judiciaire des testaments, la testatrice eût été bien avisée de révoquer, lors de l’établissement de son dernier acte dévolutif, l’ensemble de ses dispositions de dernières volontés antérieures.
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