Cass. soc. 2-10-2024 n° 23-11.582 FS-B
Pendant la suspension de son contrat de travail pour cause de maladie ou d’accident, le salarié est dispensé d'activité. L'employeur ne doit ni solliciter ni tolérer le maintien d'une collaboration professionnelle (Cass. soc. 15-6-1999 n° 96-44.772 P : RJS 8-9/99 n° 1049 ; Cass. soc. 21-11-2012 n° 11-23.009 F-D : RJS 2/13 n° 106). De même, le congé de maternité entraîne la suspension du contrat de travail (C. trav. art. L 1225-24). Le seul constat que l’employeur a fait travailler un salarié pendant son arrêt maladie ou qu’il a travaillé durant son congé de maternité ouvre droit à réparation du préjudice subi et donc à l’octroi de dommages-intérêts (Cass. soc. 4-9-2024 n° 23-15.944 FS-B et Cass. soc. 4-9-2024 n° 22-16.129 FS-B : FRS 18/24 inf. 5 p. 9).
Dans la continuité de ces décisions, par un arrêt du 2 octobre 2024, la Cour de cassation précise que le salarié qui travaille durant son arrêt maladie ou son congé de maternité ne peut pas solliciter un rappel de salaire en paiement des heures de travail effectuées, mais seulement des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
Une salariée qui a travaillé durant ses arrêts maladie et son congé de maternité…
En l’espèce, une directrice régionale, en congé maternité du 25 février au 6 septembre 2015 et plusieurs fois en arrêt de travail pour maladie entre 2014 et 2017, accepte d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle proposé par son employeur dans le cadre d’un licenciement économique. Son contrat de travail est rompu à l’issue du délai de réflexion dont elle dispose pour prendre parti.
Estimant avoir été contrainte de travailler pendant ses arrêts maladie et son congé de maternité, elle saisit la juridiction prud’homale afin de demander le paiement d’un rappel de salaire pour les heures de travail accomplies pendant ses arrêts maladie et son congé de maternité ainsi qu’une indemnité pour travail dissimulé.
A noter :
La salariée sollicitait également le paiement d’un rappel de salaire au titre de la violation du principe d’égalité de traitement, car l’employeur ne lui avait pas accordé, au cours de son congé de maternité, le bénéfice d’une augmentation générale.
La cour d’appel la déboute de sa demande. Elle considère que la salariée qui a perçu pendant les périodes de suspension de son contrat de travail l’équivalent de son salaire ou un substitut ne peut pas prétendre à un double paiement. En outre, ayant été déclarée aux organismes sociaux, elle ne peut pas non plus prétendre à une indemnité au titre du travail dissimulé. Les juges du fond considèrent toutefois que le fait de l'avoir contrainte à travailler alors qu'elle était en arrêt maladie ou en congé de maternité lui a causé un préjudice et elle lui octroie des dommages-intérêts en réparation.
La salariée se pourvoit en cassation.
… ne peut pas prétendre à un rappel de salaire mais seulement à des dommages-intérêts
La Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir débouté la salariée de ses demandes de rappel de salaire pour les heures de travail accomplies pendant ses arrêts maladie et son congé de maternité et d’indemnité pour travail dissimulé. Toutefois, elle fonde sa décision sur d’autres motifs qu’eux.
Pour la Haute Juridiction, l’exécution d’une prestation de travail pour le compte de l’employeur au cours des périodes pendant lesquelles le contrat de travail est suspendu par l’effet d’un arrêt de travail pour cause de maladie, d’accident ou d’un congé de maternité engage la responsabilité de l’employeur et se résout par l’allocation de dommages-intérêts en indemnisation du préjudice subi.
Aussi, la salariée qui a été contrainte de travailler pendant les périodes de suspension du contrat de travail alors qu’elle était en arrêt maladie ou en congé de maternité ne peut que réclamer des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi sans pouvoir prétendre à un rappel de salaire en paiement des heures de travail effectuées.
A noter :
La Cour de cassation a ici suivi l’avis de l’avocate générale, qui estimait que, si la solution retenue par la cour d’appel, à savoir l’allocation à la salariée de dommages-intérêts, était pertinente, les motifs sur lesquels elle s’était fondée ne l’étaient pas. Pour elle, par principe, la suspension entraîne la non-exécution des obligations principales du contrat de travail et dispense donc le salarié d’accomplir les tâches lui incombant. Admettre le principe d’un paiement de salaires lorsque l’employeur a imposé ou permis au salarié de travailler reviendrait à une application des dispositions légales et stipulations contractuelles relatives à l’exécution du contrat de travail quand bien même celui-ci est suspendu. Cela conduirait à mettre à néant la protection accordée aux salariés dont l’état de santé justifie une telle suspension, en régularisant une situation qui n’est pas conforme aux prescriptions légales, violation qui peut d’ailleurs être constitutive d’une infraction pénale.
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