Dans le cadre d’une donation-partage, une femme transmet à sa fille la nue-propriété d’une maison d’habitation et s’en réserve l’usufruit. Puis, elle finance à hauteur de 922 000 € d’importants travaux de rénovation, dont des gros travaux (portail, mur, toiture, pignon, etc.) relevant normalement du nu-propriétaire pour 262 000 € et des travaux d’aménagements (électricité, plomberie, interphone, ravalement, éclairage, rénovation d’appartement) relevant de l’usufruitier pour 660 000 €. Des difficultés surviennent entre les héritiers lors du règlement de sa succession. La cour d’appel décide que le montant total des travaux, incluant les travaux d’aménagements, doit être rapporté à la succession.
La Cour de cassation confirme et énonce que :
la réalisation par l’usufruitier de travaux d’amélioration valorisant le bien n’exclut pas un dépouillement dans une intention libérale, constitutif d’une libéralité, peu important que ces travaux soient légalement à sa charge ;
les juges du fond ont à juste titre retenu qu’en finançant l’ensemble des travaux, l’usufruitier s’était appauvri, dans une intention libérale, au profit du nu-propriétaire, de sorte que la somme correspondante devait être rapportée à la succession.
A noter :
La répartition des charges liées à un immeuble démembré impose de distinguer les réparations d’entretien, qui relèvent de l’usufruitier, et les grosses réparations, qui relèvent du nu-propriétaire (C. civ. art. 605). Par opposition à ces dernières, les dépenses d’amélioration sont considérées comme étant à la charge de l’usufruitier (Cass. com. 12-6-2012 n° 11-11.424 : BPAT 5/12 inf. 263). Ce dernier ne peut d’ailleurs, à la cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour ces améliorations, même si elles ont augmenté la valeur du bien (C. civ. art. 599, al. 2).
En l’espèce, le litige portait sur la prise en compte des dépenses de rénovation lors du règlement de la succession de l’usufruitier. L’existence d’une libéralité au profit du nu-propriétaire, du fait de la prise en charge des gros travaux par l’usufruitier, et son rapport à la succession, n’étaient pas contestés. En revanche, le fait que les travaux d’amélioration soient légalement à la charge de l’usufruitier excluait-il une telle qualification pour cette partie des travaux ? Non, pour la Cour de cassation, qui rappelle les deux éléments constitutifs d’une libéralité :
l’élément subjectif : l’intention libérale du disposant envers le bénéficiaire. Les juges du fond ont notamment relevé à l’appui de cette intention libérale le fait que la réalisation des travaux par l’usufruitier n’était pas rendue nécessaire par une contrainte de bail ou une obligation légale de rénovation, et que ce dernier n’en tirait aucune contrepartie ;
l’élément objectif : un appauvrissement du disposant et un enrichissement corrélatif du bénéficiaire.
La solution diffère de celle retenue à propos de travaux de construction réalisés par l’usufruitier sur un terrain dont il avait donné la nue-propriété à sa fille. Dans un tel cas, la donation indirecte a été écartée au motif qu'il n'existait aucun enrichissement pour la nue-propriétaire, qui n'entre en possession des constructions, par voie d’accession, qu'à l'extinction de l'usufruit (Cass. 3e civ. 19-9-2012 n° 11-15.460 FS-PB : BPAT 1/13 inf. 28).