Une société de construction-vente qui met gratuitement à disposition d’occupants des appartements dont elle est restée propriétaire réalise une opération qui est assimilée à une prestation de service effectuée à titre onéreux dont l’assiette taxable est constituée par les sommes qu’elle aurait dû recevoir en contrepartie de cette mise à disposition de la part des preneurs.
CAA Marseille 13-10-2020 n°19MA03104, SARL Altair
La requérante après avoir fait procéder à la construction de onze appartements destinés à la vente, a mis gratuitement à la disposition d’occupants quatre appartements dont elle est restée propriétaire.
Cette mise à disposition doit être regardée comme une prestation de service effectuée à titre gratuit effectuée par l’assujetti à des fins étrangères à son entreprise, qui est assimilée à une prestation de service effectuée à titre onéreux, en application du 2° du 2 du II de l’article 257 du CGI.
Selon l’article 266 du CGI, l’assiette de la TVA pour une telle prestation n’est pas constituée, comme le prétend l’administration, par le prix de revient des biens, soit la valeur comptable des immeubles dont la requérante demeure propriétaire, mais par les sommes qu’elle aurait dû recevoir en contrepartie de cette mise à disposition de la part des preneurs, si celle-ci avait été onéreuse.
Le preneur de locaux commerciaux dont le bail n’est pas renouvelé et qui en application d’un protocole transactionnel passé avec un promoteur, futur acquéreur du bien immobilier, perçoit une indemnité en contrepartie d’une libération anticipée des lieux réalise une prestation de service imposable à la TVA.
CAA Bordeaux 20-10-2020 n° 18BX02720, EURL Le Paradis de l’Auto
La requérante, preneuse de locaux commerciaux s’est vue signifier par le propriétaire un refus de renouvellement de son bail commercial.
En exécution d’un protocole d’accord transactionnel passé avec un promoteur, futur acquéreur du bien immobilier, la requérante a perçu de celui-ci une indemnité à charge pour elle de libérer les lieux 9 mois avant la fin du bail.
L’anticipation de la date de congé a permis au promoteur de disposer du terrain d’assiette lui permettant de réaliser dans un délai accéléré un programme immobilier.
En conséquence, le protocole d’accord transactionnel qui permet au promoteur de disposer de libre jouissance du local commercial pour une période couverte par le contrat initial de location rémunère un service individualisable fourni par la requérante.
Cette indemnité entre dans le champ d’application de la TVA conformément aux dispositions de l’article 256 du CGI.
Le bailleur de biens immobiliers qui revend un terrain acquis afin d’y édifier un immeuble destiné à la location réalise une opération soumise à la TVA dès lors que, ce faisant, il agit non dans un cadre patrimonial mais afin d’accomplir son activité économique.
CAA Nancy 15-10-2020 n° 19NC03382, SCI Grube
La requérante, qui a pour activité la location de biens immobiliers, a revendu un terrain alors qu’elle l’avait acquis afin d’y édifier un immeuble industriel destiné à être loué, à la suite de difficultés d’ordre administratif et technique ayant fait obstacle à ce qu’elle puisse porter l’opération projetée.
Ce faisant, la requérante n’a pas agi dans un cadre purement patrimonial et dans le simple exercice de son droit de propriété mais afin d’accomplir son activité économique de loueur professionnel de bâtiments industriels laquelle peut impliquer la revente d’un élément de son actif, l’opération entreprise ayant été finalement menée à bien par une société appartenant au même groupe.
La vente du terrain entre dans le champ d’application de la TVA.
A défaut d’intervenir entre deux redevables de la TVA, les conditions d’application de la dispense de taxation prévue à l’article 257 bis ne sont pas remplies. En conséquence même si le cessionnaire a pris l’engagement de poursuivre dans les mêmes conditions la location de l’immeuble cédé, le cédant demeure tenu, à l’occasion de la cession de cet immeuble, d’opérer les régularisations de TVA prévues par les dispositions de l’article 207 de l’annexe II au CGI.
CAA Nantes 22-10-2020 n° 18NT03655, EURL Bazile
La requérante a fait construire en 2003, un bâtiment dans le cadre de son activité de commerce et de réparation de véhicules automobiles et l’a ensuite donné en location en 2008 à une SCI à qui elle l’a finalement cédé en 2011. Dans l’acte de vente, les parties ont indiqué qu’aucune régularisation de TVA n’était à opérer au titre de la cession, la SCI cessionnaire étant réputée continuer la personne du cédant en poursuivant l’activité de location exercée par le cédant.
A l’issue d’un contrôle fiscal, l’administration a estimé que les dispositions de l’article 257 bis du CGI n’étaient pas applicables en l’espèce et que le cédant aurait donc dû procéder à la régularisation de la TVA antérieurement déduite au titre de l’acquisition du terrain et de la construction du bâtiment.
Selon la CAA de Nantes, il ne résulte pas de l’instruction qu’à la date de signature de l’acte de vente, la SCI cessionnaire ait été assujettie à la TVA ou ait déposée une option pour un tel assujettissement auprès de l’administration fiscale. Dès lors, elle considère que la SCI cessionnaire ne peut être considérée comme un redevable de la TVA, et ce faisant que les conditions d’application de l’article 257 bis (qui prévoit une dispense de taxation pour les transmissions universelles de patrimoines intervenant entre deux redevables) n’étaient pas remplies au moment de la cession.
La TVA dont la déduction a été omise (en année n) ne peut valablement être reportée sur une déclaration de TVA ultérieure que si le dépôt de cette déclaration intervient avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l’omission (soit n+2). Tel n’est pas le cas lorsque le report intervient sur la déclaration CA3 de décembre de l’année n+ 2 et déposée en janvier de l’année n+3.
CAA Douai 5-11-2020 n° 18DA01479, SARL Société Nouvelle Herboux
La requérante a porté en déduction sur sa déclaration CA3 de décembre 2014, un montant de TVA correspondant à des droits à déduction nés au cours de l’année 2012. Elle s’est alors retrouvée en situation de crédit de TVA dont elle a demandé le remboursement en janvier 2015 au moment du dépôt de sa déclaration.
L’administration a rejeté sa demande de remboursement de crédit au motif que la société était prescrite pour faire valoir ses droits à déduction puisque la déclaration sur laquelle l’omission du droit à déduction a été régularisée a été déposée en janvier 2015 et non pas avant le 31 décembre 2014.
La CAA de Douai juge qu’en application des dispositions de l’article 208 de l’annexe II au CGI, la taxe dont la déduction a été omise doit figurer sur les déclarations de TVA déposées au plus tard le 31 décembre de la 2ème année suivant l’omission.
Elle considère qu’en application de la jurisprudence communautaire, ces dispositions ne sont contraires ni au principe de neutralité de la TVA, ni au principe d’effectivité et ce alors même qu’eu égard à la règle de dépôt mensuel des déclarations, elles auraient pour effet de limiter à 23 mois le délai d’exercice du droit à déduction lorsque celui-ci a pris naissance au cours du mois de décembre de l’année n-2.
En pratique, la Cour confirme que la TVA dont la déduction a été omise doit donc être impérativement reportée au plus tard sur la CA3 de novembre de l’année n+2 déposée en décembre pour être admise en déduction en application des dispositions de l’article 208 de l’annexe II au CGI.
Philip SERVAJEAN, avocat honoraire, et Gwenael GAUTHIER, avocat chez VATIRIS Avocats
Après 19 ans passés chez CMS Bureau Francis Lefebvre, Gwenael Gauthier a participé à la création de VATIRIS Avocats. Associée en charge de la fiscalité indirecte et plus particulièrement des questions de TVA et de taxe sur les salaires, elle conseille des grands groupes industriels ou de services, mais aussi des PME et des associations (sport et évènementiel), des établissements et organismes en charge de mission de service public... Elle est membre de la Commission TVA de l’Institut des avocats conseils fiscaux et co-présidente de la Commission fiscale de l’ACE.
D’abord inspecteur des impôts, Philip Servajean a passé près de trente ans au sein de CMS Bureau Francis Lefebvre, années au cours desquelles il a fait de la TVA et de la taxe sur les salaires ses spécialités. En 2013, il reprend sa liberté pour exercer sa profession en indépendant. Il est désormais avocat honoraire.