Un veuf décède le 28 août 2016, laissant pour lui succéder ses trois enfants. Par testament olographe daté du 13 décembre 2015, il avait institué une femme légataire de biens immobiliers achetés avec son épouse, décédée le 16 février 2015.
Assignés par la légataire en délivrance de son legs, les enfants obtiennent en appel la nullité du legs comme portant sur la chose d’autrui. La cour d’appel relève en effet que la loi permet d’inclure dans son testament les biens dont on a la propriété et la libre disposition et non ceux dépendant de la communauté dissoute, mais non encore partagée, ayant existé entre le testateur et son conjoint prédécédé (C. civ. art. 1021). Or les biens immobiliers légués dépendaient de la communauté ayant existé entre le testateur et son épouse. En outre, les opérations de liquidation de la communauté et de la succession n’étaient pas réglées avant l’établissement du testament. Le testateur n’avait donc pas le pouvoir de disposer seul de ces biens, qu’il détenait en indivision avec ses enfants, déjà saisis comme héritiers de leur mère prédécédée.
Cassation au visa de l’article 1021 du Code civil, selon lequel le legs de la chose d’autrui est nul. En prononçant la nullité du legs, « alors que la chose indivise n’est pas la chose d’autrui », la cour d’appel a violé ce texte.
A noter :
Confirmation de jurisprudence (Cass. civ. 24-3-1869 : DP 1869 I p. 351 ; Cass. civ. 6-5-1913 : DP 1914 I p. 277 ; Cass. 1e civ. 16-5-1966 : Bull. civ. I n° 297). L'interdiction de léguer la chose d’autrui ne s'applique pas au legs de biens faisant partie d'une masse indivise, en ce compris les biens dépendant d'une indivision postcommunautaire. L'efficacité d'un tel legs dépend en principe du résultat du partage : le legs sera exécuté si le bien est mis dans le lot des héritiers du testateur ; il sera caduc si le bien est attribué à un autre copartageant. La jurisprudence n'admet pas l'exécution du legs par équivalent (sauf disposition testamentaire en ce sens), contrairement à la solution retenue en cas de legs de bien commun (C. civ. art. 1423, al. 2), et cela même s'il s'agit d'un bien dépendant d'une indivision postcommunautaire (Cass. 1e civ. 16-5-2000 n° 98-11.977 PBR : RTD civ. 2000 p. 879 obs. J. Patarin, JCP G 2001 II n° 10519 note F. Sauvage). Le testateur peut cependant imposer à ses héritiers ou légataires la charge de procurer au légataire du bien indivis la propriété entière du bien (cas où le disposant est en indivision avec eux) sans toutefois qu'il puisse en résulter une atteinte à la réserve des héritiers. Cette volonté n'a pas à être expressément formulée par le testateur ; les juges peuvent la déduire de l'ensemble des dispositions testamentaires (Cass. 1e civ. 28-3-2006 n° 04-10.596 F-PB : Bull. civ. I n° 186).
La situation est plus simple lorsque le testateur lègue ses droits dans une chose indivise : le légataire prend la place du testateur et a le droit d’être partie au partage (voir F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet : Les successions. Les libéralités, Précis Dalloz, 5e éd. 2024, n° 410).
Signalons que les biens dépendant d’une indivision postcommunautaire ne peuvent pas, en revanche, faire l’objet d’un testament-partage (Cass. 1e civ. 9-12-2009 n° 08-17.351 FS-PB et Cass. 1e civ. 9-12-2009 n° 08-18.677 FS-PB : BPAT 1/10 inf. 35). La nullité frappant pareil testament-partage est relative et ne peut être demandée que par le conjoint du testateur ou ses ayants droit (Cass. 1e civ. 3-2-2010 n° 08-18.196 FS-PB : RTD civ. 2010 p. 607 obs. M. Grimaldi).