Des époux achètent une maison d’habitation bâtie sur un terrain de 1 658 m², l’ensemble formant le lot n° 16 du lotissement de la Haute Garonnette. Quelques années après, une SCI devient propriétaire du lot voisin n° 18 sur lequel elle construit un immeuble de 6 logements avec piscine. Invoquant la violation du cahier des charges du lotissement, les époux propriétaires de la maison assignent la SCI en démolition des ouvrages édifiés.
La cour d’appel rejette leur requête. Certes, la construction viole l’article 8 du cahier des charges du lotissement, dès lors qu’elle n’est pas implantée dans un carré de 30 mètres sur 30 mètres. Mais les juges du fond relèvent que le cahier des charges n’interdit pas les constructions collectives et autorise la construction d’un édifice important sur le lot n° 18. Par ailleurs, l’immeuble collectif, réalisé à l’arrière de la villa des époux demandeurs, n’occulte pas la vue dont ils bénéficient. La situation n’est donc pas « objectivement préjudiciable » ; elle n’occasionne, pour les époux, qu’un « ressenti négatif » en raison de la présence, en amont de leur propriété, d’un ensemble de 6 logements se substituant à une ancienne villa. Les juges du fond en concluent qu’il est totalement disproportionné de demander la démolition de l’immeuble collectif d’habitation dans le seul but d’éviter aux propriétaires de la villa le désagrément de ce voisinage alors que l’immeuble a été construit dans l’esprit du règlement du lotissement et n’occasionne aucune perte de vue ni aucun vis-à-vis. La violation du cahier des charges doit donc être sanctionnée, non par la démolition, mais par l’octroi de dommages-intérêts.
La Cour de cassation confirme.
A noter :
Traditionnellement, la Cour de cassation juge rigoureusement que toute construction édifiée en violation du cahier des charges – document contractuel régissant les rapports entre colotis – doit être sanctionnée par la démolition (Cass. 3e civ. 13-2-2020 n° 19-10.977 F-D) et le coloti demandeur n’a pas à justifier de l’existence d’un préjudice (Cass. 3e civ. 21-6-2000 n° 98-21.129 FS-PB : Bull. civ. III n° 124).
Or, dans l’arrêt commenté, et pour la première fois, le juge judiciaire refuse de prononcer la démolition d’une construction contrevenant au cahier des charges au motif que cette sanction est disproportionnée compte tenu du coût de la démolition pour le débiteur et de son intérêt pour le créancier. Jusque-là en effet, il n’appliquait pas le raisonnement fondé sur la proportionnalité pour sanctionner un coloti contrevenant au cahier des charges (M. Morin et P.-L. Niel, « À la recherche de la caducité du cahier des charges d’un lotissement » : AJDI 2016 p. 442).
Hormis ce contentieux spécifique de la violation du cahier des charges du lotissement, le juge judiciaire admet le raisonnement fondé sur la proportionnalité pour refuser de prononcer la démolition d’une habitation si ses répercussions sur la vie privée, familiale et le domicile des occupants sont excessives (en ce sens : Cass. 3e civ. 17-12-2015 n° 14-22.095 FS-PBR ; Cass. crim. 31-1-2017 n° 16-82.945 FS-PB : BPIM 2/17 inf. 94 ; Cass. crim. 14-12-2021 n° 20-84.114 F-D : BPIM 1/22 inf. 17).
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