L'associé minoritaire d'une société civile demande l'annulation d'une cession de parts sociales conclue par un coassocié sans qu'ait été respectée la procédure d'agrément prévue par les statuts ainsi que l'annulation d'une décision d'assemblée dont le procès-verbal est revêtu d'une signature figurant la sienne mais qu'il prétend contrefaite.
Son action étant engagée plus de trois ans après ces actes, est-elle prescrite, en application de l'article 1844-14 du Code civil (selon lequel les actions en nullité d'actes et délibérations postérieurs à la constitution d'une société se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue), ou bien la fraude dont l'associé a été victime empêche-t-elle l'application de la prescription spéciale de l'article 1844-14, ainsi que le soutient l'associé ?
La Cour de cassation a jugé l'action prescrite : l'action en nullité d'une cession de parts fondée sur une irrégularité tirée des statuts et l'action en nullité d'une décision d'assemblée sont soumises à cette prescription, applicable à toutes les actions en nullité visant les actes et délibérations postérieurs à la constitution de la société, sans qu'il soit distingué selon le caractère relatif ou absolu de la nullité invoquée, et peu important que l'irrégularité résulte d'une simple omission ou, comme l'invoquait l'associé, de la fraude.
à noter : Cette décision, bien que non publiée au Bulletin des arrêts des chambres civiles, est importante. Rendue par la troisième chambre civile pour une société civile, elle apporte pour la première fois une réponse claire à certaines interrogations sur le champ d'application de la prescription triennale à l'action en nullité d'un acte de société.
La cour d'appel de Paris avait déjà jugé, dans un cas où un associé agissant en nullité d'une augmentation de capital par apport de titres s'était fondé, pour échapper à la prescription triennale, sur la dissimulation frauduleuse d'informations relatives à la société apportée, qu'il n'existe aucune exception légale à l'application de la prescription triennale (CA Paris 19-3-2013 n° 12/00020 : RJDA 7/13 n° 633). Sur pourvoi, la chambre commerciale avait considéré que la cour d'appel avait souverainement estimé que la preuve n'était pas rapportée d'une dissimulation d'informations de nature à empêcher les associés d'agir en nullité dans le délai de la prescription triennale (Cass. com. 8-7-2014 n° 13-17.244 : RJDA 10/14 n° 769).
Si la fraude empêche celui qui en est victime d'agir, la prescription ne court pas ou est suspendue (C. civ. art. 2234). Par exemple, il a été jugé que la fraude commise par l'assureur afin de dissuader l'assuré d'agir le prive du droit de se prévaloir de la prescription biennale en matière d'assurance (Cass. 1e civ. 28-10-1991 n° 88-14.410 : Bull. civ. I n° 282).