Si la restitution consécutive à l'annulation d'une cession de droits sociaux a lieu en valeur, cette circonstance ne fait pas obstacle à la restitution au cédant des fruits produits par les parts sociales litigieuses, à condition qu'ils aient été perçus par celui qui est tenu à restitution en connaissance du vice affectant l'acte annulé.
La Cour de cassation a été conduite à rappeler ce principe dans l'affaire suivante. L'associée unique d'une EURL confie un mandat général de gestion de ses biens à son compagnon. Le lendemain, celui-ci vend les parts de l'EURL, pour partie à son profit et pour partie au profit de sa sœur. Quinze ans plus tard, sa sœur et lui revendent leurs parts à un tiers.
Ayant obtenu l'annulation de la première cession, l'associée fondatrice demande la restitution des dividendes perçus par les acquéreurs pendant le temps où ils ont détenu les parts.
Les juges du fond ne pouvaient pas faire droit à cette demande, juge la Cour de cassation, sans rechercher si, à la date de distribution des dividendes, les détenteurs des parts avaient connaissance du vice affectant la cession annulée.
à noter : 1° Après l'annulation d'une cession de parts sociales ou d'actions, lorsque la restitution des droits sociaux ne peut pas intervenir en nature, ce qui est le cas lorsqu'ils ont été revendus à un tiers, elle a lieu en valeur. La restitution consiste alors dans le versement, par l'acquéreur, d'une somme égale, non pas au prix convenu, ce qui reviendrait à exécuter la vente nulle, mais à la valeur des titres au jour de la vente (Cass. com. 19-1-1993 n° 91-12.853 : RJDA 8-9/ 93 n° 687 ; Cass. com. 14-6-2005 n° 03-12.339 : RJDA 3/06 n° 279).
La date ainsi retenue pour évaluer les titres a-t-elle une incidence sur le sort des dividendes perçus entre la date de la cession et celle du jugement d'annulation ? La réponse est négative : en application du droit des biens (C. civ. art. 549 et 550), l'acquéreur de mauvaise foi doit restituer les dividendes perçus, ceux-ci étant assimilés à des fruits (Cass. com. 14-5-2013 n° 12-17.637 : Bull. Joly 2013 p. 717 note F. Danos).
Encore faut-il que l'acquéreur ait eu connaissance du vice affectant l'acte annulé au moment de la distribution des dividendes, les juges du fond ne pouvant pas ordonner leur restitution sans constater que cette condition est remplie. Cela sera toujours le cas à compter du jour de la demande en nullité de la cession (Cass. 3e civ. 27-11-2002 n° 01-12.444 : RJDA 6/03 n° 582).
2° La réforme du droit des contrats, issue de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 (voir La Quotidienne du 12 février 2016), consacre un chapitre entier à la question des restitutions.
Contrairement au régime actuel issu de la jurisprudence, les nouveaux textes prévoient que, en cas de restitution en valeur, le bien est évalué au jour de la restitution (C. civ. art. 1352 nouveau), et non au jour de l'acte annulé. Si celui qui sera tenu à restitution reçoit le bien de bonne foi et le vend à un tiers, il ne devra restituer que le prix qu'il a perçu (art. 1352-2 nouveau).
Les règles applicables à la restitution des fruits ne sont pas, à l'inverse, modifiées en profondeur. Comme auparavant, les fruits doivent être restitués à compter du paiement par celui qui les a reçus de mauvaise foi, tandis que celui qui les a reçus de bonne foi ne les doit qu'à compter de la demande (C. civ. art. 1352-7 nouveau). L'article 1352-3 nouveau du Code civil précise que, s'ils ne se retrouvent pas en nature, la restitution des fruits a lieu selon une valeur estimée à la date du remboursement.