Lorsque l'employeur rompt le contrat de travail d'une salariée sans savoir qu'elle est enceinte, celle-ci peut obtenir l'annulation de la rupture en lui faisant parvenir un certificat médical attestant de sa grossesse. Cette information doit être adressée à l'employeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, papier ou électronique, dans les 15 jours de la notification de la rupture.
L'employeur doit alors réintégrer la salariée dans son emploi sans délai. La Cour de cassation veille strictement à la rapidité de sa réaction, comme l'illustre cet arrêt.
L'employeur informé de la grossesse doit réagir sans délai
La nullité de la rupture prévue par l'article L 1225-5 du Code du travail au profit de la salariée qui informe l'employeur de sa grossesse dans les 15 jours s'applique de plein droit : elle n'a pas pour effet de suspendre le licenciement pour lui faire prendre effet à l'issue de la période de protection (Cass. soc. 7-4-2004 n° 02-40.333 : RJS 6/04 n° 685). Par conséquent, la salariée doit être réintégrée immédiatement dans son précédent emploi.
Si l'employeur se conforme à cette obligation, la réintégration s'impose à la salariée (Cass. soc. 4-11-1988 n° 86-42.669 : RJS 1/89 n° 10 ; Cass. soc. 2-3-1994 n° 90-44.699). Le refus d'une proposition de réintégration régulière permet à l'employeur d'engager la procédure de licenciement et prive la salariée des indemnités sanctionnant la nullité de la rupture.
Pour la Cour de cassation, la salariée peut en revanche légitimement refuser d'être réintégrée dans un autre emploi, si le sien est disponible, ou à défaut, dans un emploi qui ne serait pas similaire. De même, elle peut refuser une offre de réintégration tardive (Cass. soc. 6-10-2010 n° 08-43.171 : RJS 12/10 n° 928).
La Cour de cassation rappelle en l'espèce qu'en faisant parvenir sa proposition de réintégration à la salariée un mois et demi après avoir été informé de la grossesse, l'employeur n'a pas réagi dans un délai raisonnable (voir déjà en ce sens Cass. soc. 9-7-2008 n° 07-41.927 : RJS 10/08 n° 988). Il importe peu que la salariée se soit encore trouvée en période de préavis rémunéré lorsqu'elle a reçu cette offre.
Quelle indemnisation pour la salariée non réintégrée ?
Le présent arrêt permet à la Cour de cassation de rappeler les sanctions encourues par l'employeur revenant tardivement sur sa décision de licencier la salariée enceinte.
Selon l'article L 1225-71 du Code du travail, la nullité du licenciement d'une salariée enceinte lui ouvre droit à une indemnité correspondant aux salaires qui auraient été perçus pendant la période couverte par la nullité. La salariée a donc droit aux salaires qu'elle aurait dû percevoir entre la date de son éviction de l'entreprise et l'expiration de la période de 4 semaines suivant la fin du congé de maternité. Cette indemnité étant forfaitaire, l'employeur ne peut pas en déduire les sommes perçues par la salariée pendant la période couverte par la nullité, notamment les indemnités journalières de sécurité sociale versées pendant le congé de maternité ou les allocations de chômage (Cass. soc. 10-4-1991 n° 89-42.751 : RJS 5/91 n° 567). En l'espèce, les juges du fond ont alloué à la salariée une indemnité d'environ 33 500 € correspondant à 9 mois et demi de salaires.
S'y ajoute une indemnité au moins égale à 6 mois de salaires réparant le caractère illicite du licenciement (en l'espèce, 22 000 €).
Enfin, la salariée a droit aux indemnités de rupture si elle ne les a pas perçues au moment du licenciement : indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés. Signalons en particulier que la période couverte par la nullité est assimilée à du temps de travail effectif et doit être prise en compte pour le calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés due à la salariée (Cass. soc. 10-11-1993 n° 89-42.302 : RJS 12/93 n° 1192).