Un époux marié sans contrat souscrit seul un prêt immobilier destiné à l’acquisition d’une résidence secondaire. Quelques temps plus tard, le couple adopte le régime de la communauté universelle. Des échéances étant restées impayées, la banque assigne le mari en remboursement du prêt.
Ils divorcent et, lors de la liquidation du régime matrimonial, les époux se disputent sur le sort de l’emprunt. La cour d’appel rejette la demande de l’épouse, qui estime que la condamnation au bénéfice de la banque ne peut être recouvrée que sur les biens propres de son mari.
L’épouse forme alors un pourvoi en cassation en considérant que, s’agissant d’un emprunt, chaque époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, à moins qu’il n’ait obtenu le consentement de l’autre pour engager les biens communs (C. civ. art. 1415).
La Cour de cassation rejette le pourvoi. En application de l’article 1526 du Code civil, toutes les dettes des époux, présentes et futures, y compris personnelles, telles qu’un emprunt contracté par un seul des époux, sont supportées définitivement par la communauté universelle. Les juges du fond n’étaient saisis que d’une demande au titre de la contribution à la dette et au passif définitif de la communauté universelle. Par conséquent, ils n’étaient pas tenus, en l’absence de demande de la banque contre l’épouse, de procéder à une recherche concernant l’obligation à la dette.
A noter :
La communauté universelle est souvent choisie par des époux soucieux d’assurer la prévoyance du survivant. Pourtant, ainsi que le souligne Gulsen Yildirim, professeure à l'université de Limoges, ce régime peut s’avérer dangereux pour le conjoint en cas de souscription d’une dette d’un montant important durant le mariage. En effet, la corrélation actif-passif constitue l’un des principes essentiels du fonctionnement de ce régime. Sous la communauté universelle, tous les biens, immeubles et meubles, présents et à venir, sont communs sauf quelques rares exceptions (C. civ. art. 1526, al. 1). Par voie de conséquence, toutes les dettes présentes et futures sont communes (C. civ. art. 1526, al. 2).
Sur le plan de l’obligation à la dette, qui concerne les relations entre les époux et les tiers et définit les biens sur lesquels un créancier peut exercer son droit de poursuite, il n’y a pas à distinguer entre les dettes antérieures à la communauté universelle, les dettes grevant les successions et libéralités et celles nées pendant le régime. Le paiement de toutes ces dettes dont chaque époux est tenu peut toujours être poursuivi sur les biens communs (C. civ. art. 1413). Ce principe comporte toutefois une exception notable qui concerne les emprunts et cautionnements. L’article 1415 du Code civil restreint le gage des créanciers aux biens propres et aux revenus du débiteur à moins que ceux-ci n’aient été contractés avec le consentement exprès de l’autre conjoint. Or la jurisprudence considère cette disposition comme impérative et applicable aux époux mariés sous un régime de communauté universelle (Cass. 1e civ. 3-5-2000 n° 97-21.592 : Bull. civ. I n° 125, D. 2000 p. 546 note J. Thierry, RTD civ. 2000 p. 889 obs. B. Vareille). Dans cette hypothèse, en l’absence du consentement du conjoint et de biens propres, le gage de ces créanciers se limite aux revenus du débiteur.
Dans notre cas, la singularité était que l’emprunt avait été conclu sans le consentement de l’épouse avant l’adoption de la communauté universelle. Cette dette n’est-elle pas devenue par le changement de régime matrimonial une dette présente engageant aussi les biens communs ? La référence aux « dettes présentes » sans aucune nuance à l’article 1526, alinéa 2 pourrait le faire penser. Toutefois, l’impérativité de l’article 1415 devrait primer sur ce texte et la limitation du gage devrait se maintenir, peu importe que les époux aient choisi la communauté universelle dès l’origine ou aient basculé de la communauté légale vers ce régime en cours de mariage.
Bien que cette question soit intéressante, la Cour de cassation n’y répond pas, tout simplement parce que les juges n’étaient saisis que d’une demande au titre de la contribution à la dette. Celle-ci consiste à déterminer le patrimoine qui doit en supporter la charge définitive et donc l'existence éventuelle d'un droit à récompense. Elle surgit lors de la liquidation de la communauté. À ce propos, la jurisprudence a eu l’occasion de rappeler que l’emprunt contracté par un époux sans le consentement exprès de l’autre doit figurer au passif définitif de la communauté dès lors qu’il n’est pas établi que l’époux a souscrit cet engagement dans son intérêt personnel (Cass. 1e civ. 5-12-2018 n° 16-13.323 FS-PBI : SNH 1/19 inf. 3, D. 2019 p. 627 obs. V. Bouchard, RTD civ. 2019 p. 173, JCPN 2019 art. 1217 note Q. Prim). En l’espèce, l’emprunt avait été contracté par le mari pour financer l’acquisition d’une résidence secondaire certainement commune ou qui l’est devenue par l’effet de la communauté universelle. La dette avait donc profité à la communauté et il était logique qu’elle la supporte définitivement.
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