Des époux mariés sous le régime légal divorcent. Lors de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux, ils s’opposent sur le sort d’une somme de 22 867 € donnée durant le mariage par les parents de l’épouse. La cour d’appel reconnaît à l’épouse un droit de reprise de ladite somme au motif qu’elle lui est propre, le mari ne rapportant pas la preuve d’une donation aux deux époux (C. civ. art. 1405).
Le mari se pourvoit alors en cassation. En raison de la fongibilité de la monnaie et de la présomption de communauté, la reprise d’une somme propre versée sur un compte bancaire par un époux commun en biens suppose que cette somme ait été identifiable et qu’elle le demeure jusqu’au jour de la liquidation (C. civ. art. 1402 et 1467). Le mari reproche aux juges du fond de ne pas avoir vérifié ces conditions.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. La communauté dissoute, chacun des époux reprend ceux des biens qui n’étaient point entrés en communauté, s’ils existent en nature, ou les biens qui y sont subrogés (C. civ. art. 1467, al. 1). Il en résulte que pour pouvoir être repris, les biens, ici les deniers, doivent exister en nature et être restés propres à la date de la dissolution de la communauté. Il incombait aux juges du fond de procéder à ces vérifications.
A noter :
Rares sont les arrêts qui traitent du mécanisme de la reprise, en particulier des capitaux propres. Les précisions fournies par la présente décision sont donc fort bienvenues. On le sait, avant de liquider la masse commune, il faut que chaque époux reprenne ses propres, en nature ou ceux qui y sont subrogés (C. civ. art. 1467). Parmi les biens propres, on peut citer ceux acquis pendant le mariage par donation (C. civ. art. 1405). Si un immeuble donné à un époux peut facilement faire l’objet d’une reprise dès lors qu’il a toujours existé du jour de la donation à la dissolution, l’opération est beaucoup plus délicate pour les sommes d’argent. Lorsqu’on reçoit une somme d’argent, on la dépose sur un compte bancaire. Le fait que le compte soit personnel à l’époux ne suffit pas à conserver le caractère propre des deniers ; ils sont présumés être des acquêts dans les rapports entre époux (C. civ. art. 1402 ; Cass. 1e civ. 9-7-2008 n° 07-16.545 F-D : AJ fam. 2008 p. 438 P. Hilt, RTD civ. 2009 p. 158 obs. B. Vareille). Il en va de même a fortiori en cas de dépôt sur un compte commun. Par conséquent, la preuve du don manuel est nécessaire pour établir la nature propre des deniers encaissés. Mais elle n’est pas suffisante. Car il faut aussi tenir compte de la fongibilité des deniers. Or sur un compte bancaire, tous les fonds qui y ont été versés se mélangent et sont interchangeables. L’identification des deniers propres issus du don se révèle alors impossible à la dissolution du régime. Seul moyen de garantir leur reprise : les avoir placés sur un compte personnel sans aucun mouvement, sauf des retraits, jusqu’à la dissolution (Rép. Civ. Dalloz, v. Communauté légale : liquidation et partage – reprise du numéraire propre par B. Vareille, nos 91 s.). À défaut d’une traçabilité parfaite des fonds propres entre leur placement durant le régime de communauté et sa dissolution, c’est sur le terrain des récompenses que l’époux concerné devra agir (C. civ. art. 1433, al. 2).
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