Après s’être marié en Syrie, un couple s’établit en France. L’épouse conclut seule un bail d’habitation et occupe les lieux loués durant quatre ans. Son divorce est prononcé six mois après qu’elle ait libéré les lieux. Des loyers restant dus, le bailleur assigne les deux époux en paiement. La cour d’appel condamne l’ex-mari à payer 21 400 € au titre de la dette locative. Elle estime qu’il n’a pas rapporté la preuve qu’il ne résidait pas dans le logement loué, de sorte que le bail litigieux était réputé avoir été souscrit pour l’entretien du ménage : la solidarité des dettes ménagères s’appliquait.
La Cour de cassation censure l’arrêt au visa des articles 220 alinéa 1, 1751 alinéa 1 et 1353 (anciennement 1315) du Code civil dont il résulte respectivement que :
chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement ;
est réputé appartenir à l’un et à l’autre des époux le droit au bail du local servant effectivement à l’habitation des époux, quel que soit leur régime matrimonial et malgré toute convention contraire, et même si le bail a été conclu avant le mariage ;
celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Dès lors, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve. Il appartenait au bailleur d’établir que le local loué servait effectivement à l’habitation des deux époux ou, pour le moins, que le bail avait été souscrit pour l’entretien du ménage.
A noter :
Dans le cas où un seul époux a signé le bail d’habitation, deux principes peuvent fonder la solidarité des conjoints pour le paiement des loyers :
la cotitularité du bail d’habitation, qui résulte du fait que les deux époux habitent effectivement le logement (C. civ. art. 1751 ; Cass. 3e civ. 7-5-1969 : Bull. civ. III no 170 ; Cass. 1e civ. 7-6-1989 D. 1990 p. 21 ; Cass. 2e civ. 3-10-1990 n° 88-18.453 : Bull. civ. II n° 177) ;
la solidarité des dettes ménagères, c’est-à-dire des dettes contractées pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants (C. civ. art. 220, al. 1 ). Il est constant que les loyers afférents au logement de la famille relèvent de cette catégorie (Cass. 2e civ. 3-10-1990 n° 88-18.453 : Bull. civ. II n° 177 ; CA Rennes 10-1-2013 n° 11/02756).
Le droit commun prévoyant que c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver (C. civ. art. 1353), la charge de la preuve incombait ici au bailleur. Celui-ci devait donc :
pour faire jouer la cotitularité du bail, démontrer que Monsieur habitait bien à la même adresse que Madame ;
pour bénéficier de la solidarité au titre de dettes ménagères, prouver qu’il s’agissait du logement choisi par les deux époux. En pratique, cette preuve peut résulter d’une cohabitation initiale, même brève ou d’une cohabitation intermittente, les juges du fond appréciant souverainement les circonstances de chaque espèce.
Signalons enfin que si le couple s’était marié en Syrie, le droit français était bien applicable, contrairement à ce que soutenait le requérant dans son premier moyen. Comme l’a rappelé la Cour de cassation, les lois de police obligent tous ceux qui habitent le territoire français (C. civ. art. 3). Or, sauf convention internationale contraire, les règles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux énoncées par les articles 212 et suivants du Code civil sont d’application territoriale (déjà en ce sens, Cass. 1e civ. 20-10-1987 n° 85-18.877 : Bull. civ. I n° 275, Rev. crit. DIP 1988 p. 540 note Y. Lequette). Les époux résidant tous deux en France durant le bail litigieux, il s’ensuit que l’article 220 du Code civil, visé dans le pourvoi, était applicable en l’espèce.
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