Des époux mariés sous le régime de la séparation de biens se quittent. La jouissance d’un bien immobilier qu’ils avaient acquis ensemble est attribuée à l’épouse aux termes d’une ordonnance de non-conciliation qui les autorise à vivre séparément. Le bien est finalement vendu, avant même le prononcé de leur divorce. La mutation génère une plus-value immobilière sur la quote-part cédée par le mari, l’épouse bénéficiant de l’exonération pour résidence principale (CGI art. 150 U, II-1°). Après paiement de l’impôt, le notaire consigne le prix de vente. Les parties discutent en effet sa clé de répartition. Faut-il s’en tenir au titre de propriété et répartir le prix à proportion de leurs droits indivis, de moitié chacun, comme le demande le premier ? Ou doit-on également tenir compte du poids de la dette fiscale à la revente, comme le défend la seconde ?
Favorable à la demande du mari, la cour d’appel décide que chacune des parties a vocation à recevoir la moitié du prix de vente. Elle fonde sa décision sur l’article 1542 du Code civil relatif au partage des biens indivis entre époux séparés de biens après la dissolution de leur régime matrimonial, qui renvoie aux règles établies au titre « Des successions » pour les partages entre cohéritiers.
Il n’en est rien pour la Cour de cassation, qui censure l’analyse des juges du fond. Elle s’appuie sur deux règles :
d’une part, les plus-values immobilières réalisées par des personnes physiques lors d’une vente sont passibles de l’impôt sur le revenu, sauf si le bien vendu constitue la résidence principale du cédant (CGI art. 150 U, I-al. 1, qui renvoie aux art. 150 V à 150 VH) ;
d’autre part, chaque époux reste seul tenu des dettes nées de sa personne avant ou pendant le mariage, hors les dettes ménagères (C. civ. art. 1536, al. 2).
Par conséquent, l’impôt sur la plus-value doit être supporté par le mari, qui en est le seul débiteur au vu des déclarations fiscales des parties figurant dans l’acte de vente.
A noter :
La répartition du prix de vente est parfois loin d’être l’étape la plus élémentaire d’un dossier de vente, ce qu’illustre à la perfection cet arrêt.
En l’espèce, la Cour de cassation rappelle que, pour attribuer la charge de l’impôt sur la plus-value, dette née durant le mariage, il faut se reporter aux règles régissant le fonctionnement du régime matrimonial et non la dissolution de celui-ci, peu important que la question du partage du prix se pose encore après le prononcé du divorce. Or, il est constant que l’impôt sur le revenu constitue une dette personnelle à chacun (C. civ. art. 1536, al. 2 ; Cass. 1e civ. 22-2-1978 n° 76-14.031 : Bull. civ. I n° 75).
L’enjeu était de taille dans ce dossier compte tenu du traitement fiscal différencié entre l’épouse et son mari. Le bien qui, semble-t-il, était initialement la résidence secondaire du couple était devenu la résidence principale de l’épouse en application des mesures provisoires prises par le juge du divorce. Cette dernière bénéficiait donc de l’exonération dédiée, le mari non. Les déclarations sur les plus-values immobilières figurant dans l’acte de vente étaient suffisamment claires pour en déduire que seul ce dernier était débiteur de la somme réglée à l’administration fiscale.
Il en aurait été différemment si le bien vendu avait constitué la résidence principale des époux au moment de leur séparation (BOI-RFPI-PVI-10-40-10 n°s 250 et 260).