Dans deux affaires, une commune assigne des propriétaires d’appartements en paiement d'une amende civile pour avoir loué ces locaux de manière répétée sur de courtes durées à une clientèle de passage en contravention, selon elle, avec la réglementation sur le changement d’usage des locaux d’habitation (CCH art. L 631-7 et L 651-2).
Dans les deux cas, la cour d’appel rejette les demandes de la commune, au motif qu’il n’est pas établi que les locaux étaient à usage d’habitation au 1er janvier 1970. La commune se pourvoit en cassation. Dans la première affaire, elle soutient qu’un local doit être considéré comme étant à usage d’habitation, non seulement dans l’hypothèse où il était affecté à l’habitation le 1er janvier 1970 mais aussi dans l’hypothèse où, après cette date, il a été affecté à l’habitation. Dans la seconde affaire, elle invoque un formulaire, déposé à l’administration fiscale le 21 octobre 1980, qui révèlerait des travaux et l’affectation à usage d’habitation du local.
La Cour de cassation rejette les deux pourvois. Sont réputés à usage d’habitation les locaux affectés à cet usage au 1er janvier 1970. Dans la première affaire, elle juge donc que la preuve d’un usage d’habitation au 23 janvier 2017 est inopérante. Dans la seconde, elle juge que la cour d’appel n’est pas tenue de procéder à une recherche inopérante relative à l’incidence de travaux qui ont été réalisés après le 1er janvier 1970 et dont il n’est pas soutenu qu’ils ont fait l’objet d’une autorisation. Dans un cas comme dans l’autre, la commune ne peut pas invoquer un changement d’usage illicite.
À noter : Arrêts importants. L’article L 631-7 du Code de la construction et de l’habitation pose le principe de la nécessité d’une autorisation préalable pour changer l’usage des locaux destinés à l’habitation dans certaines communes et zones géographiques. Il a été modifié par la loi Alur du 24 mars 2014 afin de lutter contre la transformation de locaux d’habitation en locaux destinés à des locations meubléesde courtes durées (CCH art. L 631-7, der. al. créé par la loi 2014-366 du 24-3-2014). Le dernier alinéa ajouté précise que le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage et nécessite donc l’obtention d’une autorisation préalable. Ces dispositions sur le changement d’usage suscitent de nombreuses questions, au rang desquelles, comme dans les deux espèces commentées, celle de la détermination d’un local à usage d’habitation au sens de ce texte.
Un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970 (CCH art. L 631-7, al. 3 ). Cette date correspond à celle de la révision foncière au cours de laquelle les propriétaires de locaux ont été invités par l’administration à remplir un formulaire décrivant la composition et l’usage de leur bien.
Qu’en est-il pour les locaux dont l’affectation à l’habitation au 1er janvier 1970 ne peut pas être établie ? Peut-on prendre en considération l’usage de fait du bien après cette date et plus précisément, comme dans la première affaire, l’usage du bien en 2017 puisqu’il était établi que le bien était, à cette date, affecté à usage d’habitation ? La Cour de cassation a retenu, se fondant sur les dispositions précitées, que la preuve de l’usage d’habitation du bien en 2017 était inopérante.
La situation du local au 1er janvier 1970 n’est toutefois pas immuable. Ainsi, les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination après le 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés (CCH art. L 631-7, al. 3). Il résulte donc de ce texte que le changement d’affectation est subordonné à une autorisation administrative de travaux pour un usage déterminé. La réalisation de travaux, même s’ils ont été mentionnés dans un formulaire destiné à l’administration fiscale, ne suffit pas. C’est ce qu’indique la Cour de cassation dans la seconde affaire.
Anne-Lise COLLOMP, conseiller référendaire à la Cour de cassation
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Urbanisme Construction n° 19555