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L’aval d’un effet de commerce irrégulier ne vaut pas promesse de porte-fort

L’aval d’un effet de commerce ne comportant pas la signature du tireur ne vaut pas comme engagement cambiaire et ne peut pas être qualifié de promesse de porte-fort par laquelle l’avaliste aurait promis que le débiteur paiera à l’échéance convenue.

Cass. com. 8-9-2015 n° 14-14.208


Une banque consent à une société une facilité de caisse par découvert en compte courant et une ligne de crédit de trésorerie permanente, qualifiée de crédit de campagne, de 100 000 € sous la forme d’une lettre de change à échéance d'un mois, à chaque fois renouvelé. Après avoir clôturé le compte de la société, la banque poursuit le gérant de celle-ci en paiement du dernier effet de commerce que le gérant a avalisé.

La cour d’appel de Paris condamne le gérant en se fondant sur l’argumentation suivante : l’effet litigieux, qui ne comporte aucune signature du tireur, ne vaut pas lettre de change et il n’y a pas d’aval cambiaire valable de cet effet ; la mention manuscrite d’aval apposée par le gérant sur la lettre pour obtenir le renouvellement du crédit de campagne accordé à sa société constitue un engagement personnel de sa part, par lequel il a promis à la banque que la société paierait sa dette à l’échéance convenue ; il s’est ainsi porté fort de l’engagement pris par la société. La société n’ayant pas remboursé le crédit, le résultat promis par le gérant n’a pas été obtenu, de sorte que ce dernier, qui s’était engagé personnellement à ce que la société paie sa dette, doit indemniser la banque de sa créance impayée.

La Cour de cassation censure fermement cette argumentation : l’aval d’un effet de commerce irrégulier en raison d’un vice de forme est lui-même nul et ne vaut pas promesse de porte-fort.

à noter : Un titre ne vaut pas lettre de change (ou billet à ordre) lorsqu’il n’est pas signé par le tireur (ou le souscripteur) mais il constitue un engagement de payer le porteur. Un aval porté sur un tel effet de commerce irrégulier s’analyse en un cautionnement dès lors que l’avaliste a signé l’effet (Cass. com. 24-6-1997 n° 95-18.153 : RJDA 12/97 n° 1518 ; Cass. com. 9-10-2001 n° 98-13.606).
Pour être valable, ce cautionnement, s’il a été donné par une personne physique, doit, a récemment jugé la Cour de cassation, comporter les mentions  manuscrites prescrites par les articles L 341-2 et L 341-3 du Code de la consommation (Cass. com. 5-6-2012 n° 11-19.627 : RJDA 10/12 n° 893). Cette décision a fait perdre beaucoup de son intérêt à la jurisprudence précitée qui permettait de sauver l'aval porté sur un titre cambiaire irrégulier en le requalifiant en cautionnement, puisque, lorsqu'il est donné par une personne physique au profit d'un créancier professionnel, celui-ci est nul s'il n'est pas assorti des mentions manuscrites protectrices.
La cour d’appel de Paris avait trouvé une parade en analysant l’engagement de l’avaliste comme un porte-fort d’exécution. Ce faisant, elle avait appliqué une solution retenue un temps par la chambre commerciale de la Cour de cassation définissant le porte-fort d’exécution d’engagement accessoire à l’engagement principal souscrit par le tiers (Cass. com. 13-12-2005 n° 03-19.217 : RJDA 5/06 n° 491 ; Cass. com. 18-12-2007 n° 05-14.328 : RJDA 4/08 n° 365). Mais la chambre commerciale est revenue sur cette jurisprudence, critiquée par une grande partie de la doctrine, en jugeant que la promesse de porte-fort est un engagement de faire (Cass. com. 18-6-2013 n° 12-18.890 : RJDA 11/13 n° 874). Contrairement à la caution, le porte-fort ne s'engage pas à payer la dette du débiteur principal pour le cas où il ne s'exécuterait pas, mais à indemniser le bénéficiaire des conséquences de l'inexécution de sa promesse, c'est-à-dire du fait que le tiers n'a pas exécuté, le montant de l'indemnité pouvant d'ailleurs être nettement supérieur à l'engagement que devait exécuter le tiers.
Dans la décision commentée, la Cour de cassation énonce que « l’aval d’un effet de commerce irrégulier (…) est lui-même nul ». Il ne faut pas, à notre avis, déduire de cette formulation que l’aval ne pourrait pas être requalifié en cautionnement ; l’aval est seulement nul en tant qu’engagement cambiaire.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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