Une fille naît en 2012. Son père saisit en 2019 un juge français afin qu’il statue sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale. Sa mère saisit en 2020 une juridiction allemande aux mêmes fins. La mère soulève l’incompétence des juridictions françaises au profit des juridictions allemandes. La cour d’appel fait droit à sa demande et déclare la juridiction française incompétente. Elle retient que le père a commis de graves négligences en s'abstenant d'aviser le greffe en temps utile de la nouvelle adresse de la mère en Allemagne et d'informer celle-ci de la procédure en cours avant l'assignation qu'il lui a fait délivrer le 18 septembre 2020, date à laquelle l'enfant n'avait plus sa résidence habituelle en France mais en Allemagne. On rappellera que, selon l’article 8 du règlement 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, dit « Bruxelles II bis », les juridictions d'un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie. Or une juridiction est réputée saisie, d’après l’article 16 du même règlement, à la date à laquelle l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent est déposé auprès de la juridiction, à condition que le demandeur n'ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu'il était tenu de prendre pour que l'acte soit notifié ou signifié au défendeur. Dès lors, selon la cour d’appel, il n’est pas possible de considérer que la juridiction française a été valablement saisie par la requête déposée en 2019.
Un pourvoi est formé par le père. Selon celui-ci, cette dernière condition est satisfaite lorsque les formalités subséquentes à la requête sont accomplies, peu important les conditions dans lesquelles elles l'ont été. En se plaçant, pour apprécier la résidence habituelle de l'enfant, à la date à laquelle le père a fait signifier sa requête et non à la date de cette requête, au motif inopérant qu’il aurait manqué de diligence et fait preuve de négligences dans la conduite de la procédure, la cour d’appel aurait violé le règlement Bruxelles II bis.
Cassation. La Cour affirme qu’une juridiction est réputée saisie par la réalisation d'un seul acte, à savoir le dépôt de l'acte introductif d'instance, dès lors que le demandeur n'a pas omis de prendre les mesures qui lui incombaient pour que l'acte initial soit régulièrement notifié ou signifié au défendeur. Dès lors qu’elle constate que le père a déposé sa requête auprès de la juridiction française puis régulièrement assigné la mère, la cour d'appel a violé les textes visés du règlement en déclarant la juridiction française incompétente au profit de la juridiction allemande saisie.
A noter :
Comme le relève David Lambert, coauteur du Mémento Droit de la famille, l’objectif de l’article 16 du règlement Bruxelles II bis est de sanctionner l’inertie procédurale du demandeur. Dans le cas où la juridiction est saisie par le dépôt au greffe d’une requête, la juridiction est réputée saisie à cette date mais seulement à condition « que le demandeur n'ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu'il était tenu de prendre pour que l'acte soit notifié ou signifié ». On peut penser que le demandeur dans cette affaire a été négligent et probablement de manière délibérée. Les Hauts Magistrats se montrent donc très indulgents avec celui-ci en considérant que le simple fait que l’acte ait finalement été signifié au défendeur suffit, sans prendre en compte le temps écoulé, ni la mauvaise volonté apparente du demandeur.
La solution est transposable au règlement 2019/1111 du 25 juin 2019 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ainsi qu’à l’enlèvement international d’enfants, dit « Bruxelles II ter », dont l’article 17 reprend les dispositions de l’article 16 du règlement Bruxelles II bis.
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