Une société de la grande distribution confie à un commerçant l’exploitation en gérance d’un magasin, pour un an et demi. Le cautionnement d’un tiers garantit les engagements du commerçant à l’égard de la société à hauteur de 12 000 € pendant 28 ans. A l’expiration du contrat de gérance, le commerçant est chargé par la société d’exploiter un autre magasin. Deux ans plus tard, la société rompt ce second contrat et appelle la caution pour couvrir, dans la limite de son engagement, les pertes d’exploitation des deux magasins (plus de 50 000 €). La cour d’appel de Bourges n’ayant fait droit à cette demande que pour les pertes du premier magasin (environ 1 000 €), la société soutient que le cautionnement, donné pour « toute les sommes que le cautionné pourrait devoir au créancier », vaut aussi pour les dettes futures nées de nouveaux contrats pendant toute la période de validité du cautionnement, sans que la caution n’ait à manifester à nouveau son consentement pour garantir ces dettes.
Argument rejeté par la Cour de cassation. Même ainsi rédigé, le cautionnement consenti lors de la signature du premier contrat de gérance ne peut pas être étendu au second contrat : un engagement de caution ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté (C. civ. art. 2292) et doit s'interpréter strictement ; le commerçant a cessé la gérance du premier magasin, un inventaire contradictoire de reprise étant effectué, pour reprendre la gérance d'un autre magasin trois jours plus tard ; les avenants aux deux contrats de gérance mentionnent qu'une copie du contrat de mandat sera délivrée à la caution pour lui permettre de mesurer l'étendue et la portée de ses obligations et que les conventions, contrats ou accords antérieurs passés par la société seront abrogés ; il se déduit de ces stipulations que le second contrat a abrogé le contrat antérieur.
A noter : un cautionnement garantissant « toutes sommes » dues par le débiteur principal (cautionnement dit omnibus) couvre-t-il nécessairement toutes les dettes du débiteur, même en cas de substitution d'un nouveau contrat au contrat initialement garanti ? La réponse est clairement négative.
Au-delà de la formule littérale « toutes sommes », la Cour de cassation s'attache à ce qui est entré dans les prévisions des parties, en application de l'article 2292 du Code civil. A charge pour les juges du fond de déterminer, au vu des circonstances de l’espèce (concomitance d’un prêt et d’un acte de cautionnement, ouverture d’une nouvelle ligne de crédit, extension d’une activité...), ce que les parties ont entendu faire entrer dans le champ de la garantie, le doute profitant à la caution.