Le principe : pas de changement d'employeur sans accord exprès du salarié
Lorsque les conditions de l'article L 1224-1 du Code du travail sont réunies (transfert légal), le salarié dont le contrat de travail est transféré à un autre employeur ne peut pas s'y opposer au motif qu’un tel changement constituerait une modification de son contrat de travail (voir par exemple Cass. soc. 15-11-1994 n° 93-42.327 D).
En revanche, lorsque l’article L 1224-1 ne s’applique pas, le transfert d’un salarié d’une société à une autre constitue bel et bien une modification de son contrat de travail, à laquelle il peut s’opposer (Cass. soc. 5-5-2004 n° 02-42.580 F-P). Un tel transfert impose donc de recueillir son accord exprès, et ne peut en aucun cas résulter de la poursuite du contrat de travail sous une autre direction (voir, par exemple, à propos d’un transfert conventionnel du contrat, Cass. soc. 19-5-2016 n° 14-26.556 FS-PB ; à propos d’une mutation intra-groupe, Cass. soc. 24-1-2024 n° 22-18.240 F-D). D’ailleurs, une clause de mobilité permettant la mutation du salarié dans une autre société, y compris au sein du groupe, est nulle (Cass. soc. 19-5-2016 n° 14-26.556 FS-PB ; Cass. soc. 14-12-2022 n° 21-18.633 F-D).
La Cour de cassation exige que l’accord des parties soit formalisé par une convention tripartite écrite, signée par le salarié et ses employeurs successifs, afin d’organiser la poursuite du contrat de travail (Cass. soc. 26-10-2022 n° 21-10.495 FS-B), cette solution étant conforme, par anticipation, à l'article 1216 du Code civil relatif à la cession de contrat dans sa rédaction issue de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016.
Deux nouvelles illustrations
Dans la première affaire (n° 23-15.220), la salariée d’une filiale d’un groupe avait été informée par la société mère que son contrat de travail allait être transféré en son sein. La salariée avait apposé sa signature et la mention « lu et approuvé » sur le courrier de la société mère lui annonçant son transfert, et avait poursuivi son activité plusieurs années auprès de cette dernière avant d’être licenciée. Mais l’employeur initial n’avait pas signé ce courrier. La cour d’appel a donc considéré que la salariée n'avait pas donné son accord exprès à la novation de son contrat de travail par changement d'employeur. Par conséquent, la filiale était restée son employeur, et la société mère ne pouvait pas légitimement prononcer son licenciement, qui est jugé sans cause réelle et sérieuse.
Dans la seconde affaire (n° 23-17.529), le contrat de travail de la salariée avait, initialement, été transféré à une société A à la suite de la cession du fonds de commerce qui l’employait. Un autre fonds de commerce de la même enseigne avait été cédé à la société B. Plusieurs années après ce transfert, la salariée a été mutée dans le magasin géré par la société B. Les locaux de ce magasin ayant été ravagés par un incendie, la société B a licencié la salariée. Ici aussi, la salariée n’avait pas donné son accord exprès à ce changement d’employeur. En conséquence, cette modification unilatérale du contrat de travail s’analyse en une rupture de fait du contrat de travail, qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Documents et liens associés
Cass. soc. 25-9-2024 n° 23-15.220 F-D, Sté Urbi Dom c/ W. ; Cass. soc. 23-10-2024 n° 23-17.529 F-D, Sté Mek La Galléria c/ L.