Le créancier professionnel est tenu de fournir un certain nombre d'informations à la caution personne physique au plus tard avant le 31 mars de chaque année, notamment le montant de la dette restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie et le terme de cet engagement. A défaut, la caution ne peut être tenue au paiement des pénalités ou intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information (C. mon. fin. art. L 313-22 et C. consom. art. L 341-6).
Une personne physique s'étant portée caution du prêt consenti à une société par une banque soutient que celle-ci a manqué à son obligation légale d'information et qu'elle doit être déchue de son droit aux intérêts.
Une cour d'appel rejette cette demande en se fondant sur une clause du contrat prévoyant que, « compte tenu du système de gestion automatisée de cette information mis au point par la banque, les parties conviennent que la production d'un listing informatique fera preuve de l'information entre elles » ; en produisant une copie des lettres simples qu'elle soutient avoir envoyées à la caution ainsi que les relevés informatiques d'envoi de ces lettres, la banque avait justifié de l'accomplissement de son obligation d'information conformément aux termes du contrat.
Ce raisonnement est censuré par la Haute Juridiction : la cour d'appel aurait dû rechercher d'office le caractère abusif de la clause permettant à la banque de rapporter irréfragablement la preuve de l'exécution de son obligation d'information annuelle à l'égard de la caution par des documents qu'elle avait élaborés unilatéralement ; le cas échéant, elle aurait dû examiner la valeur et la portée des éléments invoqués par la banque à titre de preuve de l'exécution de cette obligation.
A noter :
1° Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat (C. consom. ex-art. L 132-1, devenu L 212-1). Lorsqu'il ressort des éléments du débat, le caractère abusif d'une clause doit être relevé d'office (C. consom. art. R 632-1).
Le déséquilibre significatif s'apprécie notamment à travers une analyse des règles nationales applicables en l'absence d'accord entre les parties, afin d'évaluer si, et dans quelle mesure, le contrat place le consommateur dans une situation juridique moins favorable par rapport à celle prévue par le droit national en vigueur (CJUE 14-3-2013 aff. 415/11, considérant 76 ; Cass. 1e civ. 20-1-2021 n° 18-24.297 FS-PBI : BRDA 4/21 inf. 22).
En l'espèce, les règles applicables en l'absence de la clause litigieuse sont les suivantes : il appartient à la banque de prouver l'envoi de l'information légale à la caution, cette preuve ne résultant pas de la seule production de la copie de la lettre adressée à la caution (Cass. com. 5-4-2016 n° 14-20.908 F-D : RJDA 7/16 no 568) ; exerçant leur pouvoir souverain, les juges du fond peuvent cependant décider qu'une telle preuve résulte de la fourniture de ces lettres complétées par d'autres documents, par exemple un constat d'huissier attestant de leur envoi annuel (Cass. com. 4-5-2017 n° 15-20.532 D). Encore faut-il que les juges puissent effectivement exercer ce pouvoir et examiner les éléments de preuve. Tel n'est pas le cas si une clause permet à la banque de prouver irréfragablement l'exécution de son obligation d'information annuelle au moyen de documents qu'elle a élaborés unilatéralement.
Une telle clause est susceptible de générer un déséquilibre significatif entre les parties au contrat et, comme telle, d'être abusive, ce que les juges du fond auraient dû rechercher d'office. La constatation du caractère abusif de la clause n'implique néanmoins pas nécessairement le succès de la demande de déchéance du droit aux intérêts : elle oblige seulement les juges à apprécier la valeur et la portée à titre de preuve des éléments invoqués par la banque (ici la copie des lettres et le listing) sans qu'ils puissent se contenter de constater la conformité de ces éléments aux prévisions au contrat.
Cet examen, ajoute la Haute Juridiction, relève du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond. On peut cependant imaginer que cette affirmation ne remet pas en question la règle suivant laquelle la copie d'une lettre simple ne suffit pas à prouver l'envoi de l'information.
2° Depuis le 1er janvier 2022, l’article L 313-22 du Code monétaire et financier ainsi que les autres textes imposant l’information annuelle de la caution (notamment, C. civ. art. 2293, al. 2 ; C. consom. art. L 333-2 et L 343-6) ont été abrogés et remplacés par l’article 2302 du Code civil (voir BRDA 19/21 inf. 19 nos 31 s.).
Les solutions relatives à la preuve retenues par la Cour de cassation, rendues sous l'empire des textes anciens, sont à notre avis transposables à ce nouveau texte (ainsi que, par voie de conséquence, la solution posée par l'arrêt commenté).