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Compte joint et assurance-vie : mémo des règles et bonnes pratiques pour déterminer les récompenses

Pour décider d’une récompense, les juges doivent vérifier si la transformation d’un compte personnel en compte joint vaut encaissement par la communauté ; en matière d’assurance-vie d’un époux financée par des fonds communs, seul un profit personnel justifie une récompense.

Cass. 1e civ. 15-1-2025 n° 23-10.887 F-D


Par Florence GALL-KIESMANN
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@Getty images

Un couple se marie sous le régime conventionnel de la communauté de biens réduite aux acquêts, leur contrat de mariage stipulant que les revenus des biens propres resteraient propres. Ils divorcent 12 ans plus tard et s’opposent notamment sur la détermination de deux récompenses.

La première récompense est réclamée par le mari à la communauté au titre des deniers propres initialement placés sur un compte personnel puis transformés en un compte joint dans le mois suivant le mariage. La cour d’appel reconnaît le caractère propre du compte bancaire mais rejette la demande au motif que l’utilisation des fonds par la communauté n’a pas été évoquée.

La Cour de cassation censure. Il incombe à celui qui estime qu'une récompense lui est due par la communauté d’établir que les deniers provenant de son patrimoine ont profité à celle-ci. Sauf preuve contraire, le profit résulte notamment de l’encaissement des deniers propres par la communauté, sauf emploi ou remploi (C. civ. art. 1433). Or, la cour d’appel n’a pas recherché, comme il le lui était demandé, si la transformation du compte personnel en compte joint ne valait pas encaissement par la communauté des fonds propres qui s’y trouveraient.

La seconde récompense est réclamée au nom de la communauté au titre d’un contrat d’assurance-vie souscrit par  le mari durant le mariage et financé par des deniers communs. La cour d’appel l’admet tout en retenant que ledit contrat formait la masse active à partager.

Là encore, la Cour de cassation écarte ce raisonnement. Un époux ne doit récompense à la communauté que lorsqu’il a tiré un profit personnel des biens de la communauté (C. civ. art. 1437). Or, la cour d’appel n’a pas constaté l’existence d’un tel profit tiré par le mari des sommes investies dans le contrat litigieux.

A noter :

La présente décision fait un double rappel.

1. D’une part, selon une jurisprudence constante, l'encaissement de deniers propres par la communauté fait présumer l'existence d'un profit retiré par elle et l'encaissement sur un compte joint vaut encaissement par la communauté (notamment Cass. 1e civ. 14-1-2003 n° 00-21.108 : Bull. civ. I n° 4 ; Cass. 1e civ. 28-11-2006 n° 04-17.147 : Bull. civ. I n° 515).

2. Dautre part, en matière d’assurance-vie, ici un contrat par capitalisation à versements libres, il est acquis que lorsqu’un tel contrat n’est pas dénoué au divorce, sa valeur fait partie de l’actif de communauté à partager (Cass. 1e civ. 31-3-1992 n° 90-16.343, Praslicka : Bull. civ. n° 95). C’est ce que relevait à juste titre la cour d’appel. Mais la logique de son raisonnement s’arrêtait là. Car si la valeur du contrat est commune, et qu’il est alimenté par des deniers communs, on ne voit pas en quoi le mari en aurait tiré un profit personnel justifiant une récompense, quand bien même le contrat est à son nom. En revanche, si, à la liquidation, le contrat n’a plus aucune valeur parce que les primes ont été acquittées à fonds perdus, le conjoint souscripteur est redevable d’une récompense envers la communauté, des deniers communs ayant servi à acquitter une charge dans son intérêt personnel (Cass. 1e civ. 10-7-1996 n° 94-18.733, Daignan : Bull. civ. I n° 309, D. 1998 p. 26 obs. F. Sauvage).

3. Par ailleurs, dans son pourvoi, le mari réclamait une créance à l’indivision postcommunautaire au titre du règlement, sur ses deniers personnels, pendant l’indivision, d’une partie du prêt ayant permis l’achat d’un bien commun devenu indivis. La cour d’appel se trompe dans le mode de calcul. Elle donne à la Cour de cassation l’occasion de faire un double rappel. Tout d’abord, le règlement des échéances d’emprunt ayant permis leur achat constitue des dépenses nécessaires à la conservation d’un bien indivis (Cass. 1e civ. 11-5-2012 n° 11-17.497 F-PBI : BPAT 4/12 inf. 231). Dès lors, il doit être tenu compte, selon l’équité, de la plus forte des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant. Celui-ci représente l’enrichissement procuré au patrimoine indivis et se détermine d’après la proportion dans laquelle les deniers de l’indivisaire ont contribué à la conservation du bien indivis. Il appartenait donc au juge saisi d’établir le profit subsistant comme suit (Cass. 1e civ. 23-5-2024 n° 22-11.649 F-B : SNH 20/24 inf. 1) :

[Échéances de l'emprunt en capital et intérêts réglées par l'indivisaire / coût total de l'acquisition (prix d'achat + frais d'achat + coût du crédit)] × valeur actuelle du bien dans son état au jour de l'acquisition (et non au jour de la dissolution comme l'a fait la cour d'appel)

Enfin, de comparer le profit subsistant ainsi déterminé avec la dépense faite.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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