Un office public de l’habitat (OPH) confie la maîtrise d’œuvre et la réhabilitation d’un immeuble à un groupement qui sous-traite une partie des travaux à une entreprise (Arcade). À la suite de désordres, le groupement est condamné en 2016 par un jugement du tribunal administratif, confirmé en appel le 15 mars 2018. Le 6 mars 2018, l’OPH assigne un autre constructeur (Archibald), le sous-traitant et son assureur devant le juge judiciaire en remboursement des sommes payées.
La cour d’appel déclare les demandes prescrites par 5 ans. Elle estime que ce délai a commencé à courir à compter de la demande de référé-expertise engagée par l’OPH le 13 septembre 2011.
Cette décision est cassée par la Cour de cassation, qui énonce un revirement de jurisprudence. L’arrêt expose que, par un arrêt rendu en 2020 (Cass. 3e civ. 16-1-2020 n° 18-25.915 FS-PBRI), il a été jugé que le délai de recours d’un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève de l’article 2224 du Code civil et se prescrit par 5 ans à compter du jour où le constructeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. On estimait jusqu’alors que tel était le cas de l’assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l’ouvrage à l’entrepreneur. Mais la Cour de cassation ajoute que cette règle obligeait les constructeurs à introduire un recours en garantie contre d’autres intervenants avant même d’avoir été assignés en paiement par le maître de l’ouvrage, dans le seul but d’interrompre la prescription. Cette pratique posait problème car l’assignation en référé-expertise suspend la prescription, qui recommence à courir du jour où l’expertise a été exécutée, et le délai de 5 ans peut expirer avant celui de 10 ans ouvert au maître de l’ouvrage pour la réparation de son préjudice. Estimant que la multiplication des recours préventifs nuit à une bonne administration de la justice, la Cour de cassation estime qu’il y a lieu de modifier la jurisprudence.
Elle décide que, le constructeur ne pouvant agir en garantie avant d’avoir été lui-même assigné aux fins de paiement ou d’exécution de l’obligation en nature, il ne peut pas être considéré comme inactif avant l’introduction des demandes principales. C’est donc l’assignation accompagnée d’une demande de reconnaissance du droit, même par provision, qui sert de point de départ au délai de prescription de l’action récursoire.
En l’espèce, l’assignation du groupement contre le sous-traitant ayant été délivrée moins de 5 ans après la requête de l’OPH adressée au tribunal administratif aux fins d’indemnisation de ses préjudices, elle était recevable.
A noter :
Le constructeur condamné par la juridiction administrative envers le maître de l’ouvrage peut se retourner contre les autres constructeurs s’il estime que les désordres leur sont imputables. En l’espèce, l’exposé des faits est équivoque car le groupement agissait contre deux sociétés dont l’une était son sous-traitant et l’autre avait un rôle non précisé. Le différend entre constructeurs est de la compétence judiciaire et les recours se prescrivent par 5 ans en application de l’article 2224 du Code civil. L’ambiguïté de l’arrêt sur le statut d’un des constructeurs poursuivis oblige à faire une distinction. Le sous-traitant (Arcade) engage sa responsabilité contractuelle à l’égard de l’entrepreneur principal, mais la prescription n’obéit pas aux dispositions de l’article 1792-4-3 du Code civil, qui n’a vocation à s’appliquer qu’aux actions du maître de l’ouvrage et ne devrait pas bénéficier au prestataire de premier rang. Elle devrait être de 5 ans en application de l’article 2224 du Code civil.
L’autre prestataire (Archibald), n’étant pas désigné par l’arrêt comme un sous-traitant, engageait sa responsabilité extracontractuelle à l’égard du groupement, également pendant 5 ans. Le point de départ du délai de prescription étant le jour où le constructeur demandeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer le recours, il a été jugé par un arrêt, que rappelle celui commenté, que tel était le cas d’une assignation en référé-expertise délivrée à son encontre par le maître de l’ouvrage (Cass. 3e civ. 16-1-2020 n° 18-25.915 FS-PBRI : BPIM 1/20 inf. 44). Le problème, exposé par l’arrêt commenté, est que l’action principale est souvent décennale (c’était le cas en l’espèce) et qu’il y a un risque de voir l’action récursoire prescrite alors que l’action principale peut encore courir. En effet, le constructeur, pour prévenir le risque de prescription à son détriment, a tendance à exercer une action préventive contre ses coobligés dès qu’il est assigné en référé et à demander une expertise dont le dépôt fait à nouveau courir le délai qui a été suspendu par son instance en référé (C. civ. art. 2239). Le délai de 5 ans peut parfois expirer alors que celui de 10 ans de l’action principale est encore en cours… C’est cette situation que l’arrêt commenté corrige : l’assignation du constructeur en référé-expertise ne sert donc plus de point de départ au délai de l’action récursoire du constructeur, c’est l’assignation au fond, aux fins d’indemnisation (de paiement ou de réparation en nature, dit l’arrêt), qui produit cet effet.
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