Un fait relevant de la vie personnelle du salarié ne peut pas constituer une faute professionnelle (jurisprudence constante). C’est le principe dont se prévalait, dans cette affaire, un responsable de magasin pour contester son licenciement pour faute grave prononcé en raison des rapports qu’il entretenait avec son adjointe en dehors du temps de travail, se manifestant par des échanges via une messagerie électronique privée.
Mais la cour d'appel, dont la décision est approuvée par la Cour de cassation, n’est pas de cet avis. Les échanges intervenus entre l’intéressé et l’employée démontraient qu’il avait entretenu une confusion entre les sphères privée et professionnelle, bien que ces mails aient été échangés sur une messagerie personnelle, en dehors des horaires de travail. Les juges du fond ont en effet relevé que ces échanges n’étaient jamais totalement dénués de tout lien avec l’activité professionnelle de sa subordonnée : le responsable de magasin avait exercé à l’encontre de celle-ci une forme de chantage, notamment en lui garantissant l’absence de difficultés professionnelles si elle se conformerait aveuglément aux règles qu’il édictait, au point de la placer dans une situation de dépendance morale. Les juges ont ainsi mis en évidence un rapport de domination culpabilisant et humiliant pour la salariée qui présentait, en outre, un état psychologique fragile.
Pouvant être rattaché à la vie professionnelle, ce comportement pouvait justifier l’exercice par l’employeur de son pouvoir disciplinaire.
En pratique : le rattachement d’un fait du salarié à sa vie personnelle ou professionnelle ne dépend donc pas uniquement d’un cadre « spatio-temporel » (lieu de travail, temps de travail, moyens appartenant à l’entreprise). Si les faits révèlent une porosité entre ces deux sphères, ils sont susceptibles d’être rattachés à la vie professionnelle et d’être sanctionnés (voir déjà en ce sens, à propos de faits de harcèlement sexuel exercés en dehors du temps et du lieu de travail, Cass. soc. 19-10-2011 n° 09-72.672).