Un exploitant agricole se voit délivrer par ses bailleurs ruraux un congé pour atteinte de l’âge à la retraite. Il entame ensuite une procédure d’adoption simple de son neveu, qui aboutit positivement. Trois ans plus tard, les bailleurs forment une tierce opposition au jugement d’adoption, pour fraude. Selon eux, cette adoption, engagée après le congé, visait à contourner les règles d’ordre public du fermage qui réservent la faculté de céder le bail à un descendant et de faire ainsi obstacle au congé. La cour d’appel n’est pas de cet avis. Elle estime que :
si la requête en adoption a été déposée après le congé, la volonté pour un exploitant agricole de transmettre et de permettre la continuité de son exploitation lorsqu’il atteint l’âge de la retraite est compréhensible ;
la volonté de l’oncle, sans descendant, de créer une vocation successorale n’a pas constitué la seule motivation en adoption du neveu puisqu’ils entretiennent des liens affectifs forts et anciens, le projet a été mûrement réfléchi et a recueilli l’accord de tout l’entourage familial de l’adopté.
La Cour de cassation confirme, la cour d’appel ayant souverainement déduit des pièces produites que la chronologie mise en avant par les bailleurs ne démontre pas l’existence d’une fraude ou d’un dol commis par l’exploitant, de sorte que la tierce opposition au jugement d’adoption est irrecevable.
A noter :
Le preneur ayant atteint l'âge de la retraite à l'expiration du bail rural perd le droit au renouvellement mais, pour garantir la continuité de son exploitation, il peut céder son bail à son conjoint, à son partenaire de Pacs participant à l'exploitation ou à l'un de ses descendants majeur ou émancipé (C. rur. art. L 411-64). Dans ce cas, soit le bailleur donne son agrément, soit la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire (C. rur. art. L 411-35). Au cas particulier, l’exploitant agricole n’avait ni partenaire de vie, ni enfants. La question était de savoir si l’adoption de son neveu, parce qu’elle avait été demandée après la délivrance du congé, visait exclusivement à contourner l’efficacité de celui-ci.
La réponse des juges est claire : en l’espèce, l’adoption ne s’inscrivait pas dans une démarche purement patrimoniale mais traduisait l’existence de liens forts et pérennes. Dès lors, la fraude, qui est souverainement appréciée par les juges du fond, devait être écartée et la tierce opposition rejetée.
Rappelons que ce recours particulier est ouvert au tiers auquel le jugement d’adoption n’a pas été notifié, dans le délai de droit commun de 30 ans et seulement en cas de fraude ou de dol imputable à l’adoptant ou, depuis le 4 août 2021, au conjoint, partenaire ou concubin de ce dernier (C. civ. art. 353-2).