Juste après sa naissance, une fille est inscrite à l’état civil comme étant née de sa mère et de l’époux de celle-ci. 46 ans plus tard, elle fait établir sa filiation par possession d’état à l’égard d’un autre homme suivant acte de notoriété délivré par le juge d’instance. L’acte est retranscrit sur l’acte de naissance de l’intéressée à la demande du procureur de la République. Apprenant la nouvelle, le fils de cet homme, décédé un an avant la retranscription, agit en nullité de l’acte de notoriété et, à titre subsidiaire, en inopposabilité. Sa demande est déclarée irrecevable en raison du principe chronologique des filiations, de la possibilité de contester la filiation établie par possession d’état et de l’interdiction de tout recours contre l’acte de notoriété (C. civ. art. 320, 335 et 317, al. 5 dans sa version antérieure à la loi 2019-222 du 23-3-2019).
L’affaire est portée devant la Cour de cassation avec la question prioritaire de constitutionnalité suivante : l’article 317, alinéa 5, qui interdit tout recours contre un acte de notoriété pourtant établi en méconnaissance de la règle d’ordre public de l’article 320, est-il contraire au droit au recours effectif et au principe d’égalité devant la loi, ainsi qu’au droit de mener une vie familiale normale ?
Les Hauts Magistrats refusent de renvoyer au Conseil constitutionnel avec deux arguments.
Si l'acte de notoriété n'est pas sujet à recours, la filiation établie par la possession d'état constatée par un acte de notoriété peut être contestée par toute personne qui y a intérêt en rapportant la preuve contraire dans le délai de dix ans à compter de la délivrance de l'acte (C. civ. art. 335).
En outre, tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait (C. civ. art. 320).
Il s’ensuit que, même dans l’hypothèse visée par la question, l’article 317, alinéa 5 ne porte pas une atteinte substantielle aux droits invoqués.
A noter :
La décision a été rendue en application du droit en vigueur avant la loi 2019-222 du 23 mars 2019. L’acte de notoriété était alors délivré par le juge et il n’était sujet à aucun recours (C. civ. art. 317 ancien, al. 1 et 5). Cette interdiction devait-elle céder devant un acte de notoriété qui n’aurait dû être ni établi ni mentionné sur l’acte de naissance en présence d’une première filiation établie ? Absolument pas, nous disent les Hauts Magistrats. Il n’y avait pas lieu d’agir contre un acte qui n’a pas d’effet, la première filiation primant la seconde, faute d’avoir été contestée (C. civ. art. 320). De plus, cette absence de recours n’empêchait pas d’agir en contestation de la possession d’état constatée par l’acte dans le délai de dix ans à compter de sa délivrance (C. civ. art. 335).
Depuis le 25 mars 2019, l’établissement de l’acte de notoriété relève de la compétence exclusive du notaire (C. civ. art. 317, al. 1). N’étant plus un acte juridictionnel, la question du recours a été évacuée et le dernier alinéa de l’article 317 a été supprimé. Cela dit, dans une même situation, si un requérant tentait de contester l’acte de notoriété lui-même, il se heurterait aux mêmes arguments.
La curiosité de l’affaire reste l’établissement d’un acte de notoriété et sa mention sur l’acte de naissance, qui indiquait pourtant bien la première filiation…
Suivez les dernières actualités en matière patrimoniale et assurez la relance d’activité pour vos clients ou votre entreprise avec Navis Patrimoine et famille :
Vous êtes abonné ? Accédez à votre Navis Patrimoine à distance
Pas encore abonné ? Nous vous offrons un accès au fonds documentaire Navis Patrimoine pendant 10 jours.