Comment les notaires apprécient-ils en pratique les troubles de leurs clients avant de recevoir un acte ? Leurs réponses sont-elles adaptées ? Sur plus de dix mille notaires recensés en 2016, 741 ont répondu au questionnaire en ligne élaboré par la Fondation Médéric Alzheimer avec l’appui du Conseil supérieur du notariat (Notaires, personnes âgées et troubles cognitifs, La lettre de l’observatoire, n° 47 juin 2017). Ce taux de réponse global de 7 % est très satisfaisant et assoit les résultats de l’enquête nationale réalisée auprès de la profession.
Le notariat appréhende correctement les difficultés liées au grand âge
Les personnes âgées de 75 ans ou plus représentent près d’un quart de la clientèle des notaires. Près d’un tiers d’entre eux déclarent s’interroger, au moins une fois par mois, sur le discernement d’un de leurs clients âgés et deux tiers se demandent, au moins une fois par an, si un client âgé ne serait pas sous l’emprise d’un tiers. Quatre notaires sur cinq ont refusé de recevoir un acte en raison d’un doute sur les facultés de ces personnes.
Aujourd’hui, avec l’allongement de la durée de vie, des cas très variés se présentent. Du fait du vieillissement de la population et de la prévalence des troubles cognitifs chez les individus qui avancent en âge, ces situations seront à l’avenir de plus en plus fréquentes. Le rôle des notaires n’en sera que plus important. « L’enquête démontre la grande vigilance des notaires, écoute, empathie, humanité et expertise, souligne Fabrice Gzil, responsable du Pôle Soutien à la recherche et à l’innovation sociale de la fondation. Il y a un vrai effort de la profession alors même qu’on ne peut pas lui donner de recettes toutes faites pour apprécier les situations. Il n’existe pas de critères simples et les notaires sont sensibles à de multiples signaux pour lever les doutes ».
Des réponses appropriées
Parce qu'ils ont pour mission de contrôler la volonté des parties et sont garants du consentement libre et éclairé qu’ils recueillent, les notaires s’entourent de précautions. « Même s’ils peuvent avoir une certaine intuition, les travaux menés leur fourniront des repères pour savoir quand ils devront s’inquiéter », indique Marie-Pierre Péré, notaire à Dijon et membre du Bureau du Conseil supérieur du notariat (CSN). La plupart mettent déjà en œuvre les préconisations formulées dans la brochure éditée par la fondation (Le notaire face aux citoyens en situations de handicap cognitif, repères pour la pratique).
Repères pour la pratique, une brochure à consulter
Quand les troubles cognitifs sont majeurs, la conduite à tenir par le notaire est relativement claire. A contrario, dans bien des cas, l’atteinte cognitive est légère et son impact sur la capacité de la personne difficile à évaluer. Faute de compétences en matière d’appréciation de ces troubles, le notaire pourrait être tenté de s’en remettre entièrement aux professionnels de santé, mais tous les médecins n’ont pas été formés à cet effet et ils sont soumis à des règles strictes en matière de confidentialité. Le recours au certificat médical ne devant pas être systématisé, il importe que le notaire sache repérer par lui-même les situations potentiellement problématiques.
Le fascicule propose des repères conceptuels, une démarche rigoureuse et structurée en 5 étapes et permet au notaire d’aboutir à un jugement fondé, les objectifs étant pour lui de pouvoir communiquer avec les personnes vulnérables, d’identifier les situations à risque et de déterminer si un client est apte à exprimer valablement sa volonté. Chaque étape est décrite simplement, truffée de solutions concrètes et de conseils pratiques.
A noter : l’ensemble des préconisations vaut pour toutes les maladies apparentées à Alzheimer et plus largement aux états de dépendance ou d’isolement liés au grand âge qui peuvent pareillement occasionner des troubles cognitifs évolutifs.
Cet outil bien conçu et précieux sera également utile à tous les professionnels du droit qui, même s’ils n’engagent pas le même niveau de responsabilité que les notaires en matière de signature d’un acte sous seing privé, peuvent être confrontés de la même manière à des clients fragiles ou n'ayant pas conscience des risques à venir, pour eux-mêmes ou pour leur entourage.
La Fondation Médéric Alzheimer veut aussi sensibiliser la population en publiant le 1er Baromètre "Risque de perte d’autonomie et comportements des Français".
Alexandra DESCHAMPS
Pour en savoir plus, lire Solution Notaires Le mensuel, 8-9/17 inf. 219 à paraître