Un couple d’hommes se marie à Paris en 2017. Un jugement prénatal rendu en 2019 par une cour supérieure de l'État de Californie les déclare parents légaux de l'enfant dont une mère porteuse allait accoucher, et dit que celle-ci et son mari ne sont pas les parents légaux de l'enfant, qu'ils ne sont tenus à aucune obligation à son égard et que toute présomption de maternité ou de paternité doit être écartée, le tout conformément aux stipulations du contrat de gestation pour autrui conclu entre les parties. Un enfant naît en Californie. Les deux parents d’intention assignent le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris pour voir prononcer l'exequatur du jugement américain et juger que celui-ci produirait les effets d'une adoption plénière. La cour d’appel de Paris fait droit à leur demande. Le procureur général se pourvoit reprochant à la cour d’appel d’avoir, en tant que juge de l’exequatur, procédé à une révision au fond de la décision étrangère, ce qui est prohibé.
Cassation partielle. La Haute Juridiction rappelle que les jugements étrangers relatifs à l’état des personnes sont reconnus de plein droit, sauf s’ils doivent donner lieu à une mesure d’exécution sur les biens ou de coercition sur les personnes. Cette reconnaissance de plein droit n’empêche pas le contrôle de leur régularité internationale lorsque celle-ci est contestée ou qu’il lui est demandé de la constater.
Lorsque, sans prononcer d'adoption, un jugement étranger établissant la filiation d'un enfant né d'une gestation pour autrui est revêtu de l'exequatur, cette filiation est reconnue en tant que telle en France et produit les effets qui lui sont attachés conformément à la loi applicable à chacun de ces effets. En décidant que ce jugement devait produire en France les effets d’une adoption plénière, l’arrêt d’appel a violé l’article 509 du Code de procédure civile.
La Cour de cassation statue ensuite au fond : elle rappelle que le jugement étranger a été revêtu de l'exequatur par une disposition du jugement de première instance non frappée d'appel. Cette filiation est reconnue en tant que telle en France et produit les effets qui lui sont attachés conformément à la loi applicable à chacun de ces effets. Confirmant le jugement de première instance, la Haute Juridiction rejette la demande des parents visant à faire produire au jugement étranger en France les effets d'une adoption plénière.
A noter :
Pour David Lambert, avocat, la jurisprudence en matière de contrat de gestation pour autrui s’est focalisée sur la transcription des actes de naissance étrangers. Celle-ci est admise à l’égard du seul parent biologique (depuis Cass. ass. plén. 4-10-2019 n° 10-19.053 PBRI, Mennesson : BPAT 6/19 inf. 238). Elle ne l’est pas à l’égard des parents d’intention sans lien biologique avec l’enfant, le législateur ayant modifié l’article 47 du Code civil pour empêcher la transcription dans ce cas (Loi 2021-1017 du 2-8-2021 art. 7 revenant sur Cass. 1e civ. 18-12-2019 n° 18-12.327 FS-PBRI : SNH 4/20 inf. 4).
Cette jurisprudence ne traite que de la transcription d'actes de naissance étrangers et ne statue pas à proprement parler sur l'établissement de la filiation (faisant clairement la distinction, Cass. 1e civ. 18-12-2019 n° 18-12.327 FS-PBRI précité). La transcription d'actes d'état civil étrangers n'est en effet pas obligatoire et, quand bien même ceux-ci seraient conformes à la réalité biologique, une telle transcription ne vaut pas « reconnaissance » de la filiation, même si tel semble être le cas dans l’esprit des parents, de l’administration voire de certains magistrats, d’autant que la jurisprudence européenne ne distingue pas entre transcription des actes et reconnaissance de la filiation (CEDH avis 10-4-2019 no P16-2018-001, Mennesson : BPAT 3/19 inf. 97). La confusion est entretenue à l’égard du parent d’intention non biologique, pour lequel on indique qu’il ne peut obtenir de transcription de l’acte d’état civil mais que la voie de l’adoption lui est ouverte.
L’arrêt de la cour d’appel de Paris avait dès lors poussé cette logique de la « reconnaissance » à son terme, préférant reconnaître directement le jugement étranger établissant la filiation (ce qui est conforme aux principes du droit international privé) et affirmant qu’il produisait les effets d’une adoption plénière de droit français, assurant ainsi aux enfants un « vrai » lien de filiation et non une simple transcription.
La Cour de cassation casse sur ce point, pour le principe, et préfère affirmer que c’est le lien de filiation issu de la GPA qui est reconnu et non une adoption. Elle pose donc pour la première fois le principe de la reconnaissance directe du lien de filiation issu d’une GPA tel que constaté par un jugement étranger.
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