L’objectif de la loi est d’agir rapidement lorsque l’enfant est en danger pour limiter les relations voire, dans les cas les plus graves, de rompre le lien entre l’enfant et le parent violent ou agresseur. Avant cette loi, les mesures existaient déjà pour protéger les enfants victimes de violences intrafamiliales mais plusieurs obstacles s’opposent à une action rapide : la lenteur du temps judiciaire, la saisine ineffective du juge civil et la certitude encore prégnante des magistrats et des services de la protection de l’enfance que la relation entre l’enfant et son parent doit être maintenue à tout prix.
Ces dispositions sont entrées en vigueur le 20 mars 2024.
Systématisation de la suspension des droits attachés à l’autorité parentale. En cas de crime commis par un parent sur son enfant ou d’agression sexuelle incestueuse, deux mesures nouvelles sont prévues :
d’une part, la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement dès qu’il est poursuivi par le ministère public ou mis en examen par le juge d’instruction (C. civ. art. 378-2 modifié). Cette suspension automatique dure jusqu’à la décision du JAF, saisi le cas échéant par le parent poursuivi, la décision de non-lieu du juge d’instruction ou la décision du juge pénal. Jusqu’ici le mécanisme était cantonné au cas de crime commis sur l’autre parent et la suspension automatique était limitée à 6 mois maximum, la saisine du JAF étant nécessaire pour maintenir la suspension au-delà ;
d’autre part, la possibilité de solliciter la délégation de l’exercice de l’autorité parentale lorsque le parent poursuivi, mis en examen ou condamné, même non définitivement, est seul titulaire de l’exercice de l’autorité parentale. Le particulier, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou un membre de la famille peut alors saisir le JAF aux fins de se faire déléguer totalement ou partiellement l’exercice de l’autorité parentale (C. civ. art. 377 modifié).
Par ailleurs, la suspension de principe du droit de visite et d’hébergement est étendue dans le cas où le parent, mis en examen pour violences intrafamiliales, est placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d’entrer en contact ou obligation de résider séparément. En effet, quand le juge d’instruction impose de telles mesures, il doit spécialement motiver sa décision de ne pas ordonner la suspension du droit de visite et d’hébergement (CPP art. 138 modifié). Avant c’était l’inverse, le juge d’instruction devait spécialement motiver sa décision de suspendre le droit de visite et d’hébergement du parent mis en examen.
Systématisation du retrait de l’autorité parentale (ou de son exercice) par le juge pénal. La loi instaure une gradation dans la décision du juge pénal d’ordonner le retrait de l’autorité parentale selon l’infraction commise par le parent (C. civ. art. 378 modifié).
Lorsque ce dernier est auteur d’un crime sur son enfant ou l’autre parent ou d’une agression sexuelle incestueuse, le retrait total de l’autorité parentale est le principe. Le juge ne peut l’exclure que par une décision spécialement motivée. Il doit alors statuer sur le retrait partiel et à défaut encore, sur le retrait de l’exercice de l’autorité parentale ; chaque mesure exclue doit être spécialement motivée.
En cas de délit commis sur l’enfant (hors agression sexuelle incestueuse), le juge pénal a l’obligation de se prononcer sur le retrait total, partiel ou de l’exercice de l’autorité parentale.
Enfin, en cas de délit commis sur l’autre parent, le juge pénal est libre de statuer sur le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice. Il en va de même en cas de complicité d’un crime ou délit commis par l’enfant.
Les dispositions pénales sont harmonisées avec les dispositions civiles, les dispositions éparses étant abrogées (C. pén. art. 221-5-5, 222-31-2, 222-48-2, 225-4-13 dernier al. et 227-27-3 abrogés). Le nouvel article 228-1 du Code pénal reprend les dispositions de l’article 378 du Code civil avec une précision : le juge pénal peut également se prononcer sur le retrait de l’autorité parentale à l’égard des autres enfants du parent condamné. Comme l’article 378 du Code civil, l’article 228-1 du Code pénal instaure une gradation de l’obligation de statuer sur le retrait de l’autorité parentale pour le juge pénal selon l’infraction commise.
Restriction de la restitution de ses droits parentaux. Le parent privé de l’exercice de son autorité parentale ou de ses droits de visite et d’hébergement pour l’un des crimes et délits visés à l’article 378 du Code pénal précité ne peut former de demande en restitution moins de six mois après que le jugement est devenu irrévocable (C. civ. art. 381 II nouveau). Jusqu’alors, un délai minimal n’était prévu qu’en cas de retrait total ou partiel de l’autorité parentale, ce délai étant d’un an.
Dissimulation du domicile. En principe, le parent qui déménage doit en informer, au préalable, l’autre parent dès lors qu’il modifie les modalités d’exercice de l’autorité parentale. Une exception est créée au bénéfice du parent autorisé à dissimuler son domicile par une ordonnance de protection : il est désormais dispensé de cette information préalable (C. civ. art. 373-2 modifié).
A noter :
1. Jusqu’ici, il était prévu que le juge qui prononçait le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice ou encore le retrait du droit de garde devait décider de confier l’enfant à un tiers ou à l’ASE. La loi opère un toilettage du texte et supprime la référence au droit de garde (C. civ. art. 380 modifié).
2. Bien qu’il soit admis que le retrait de l’autorité parentale accompagnant une condamnation pénale est une mesure de protection de l’enfant et non pas une peine complémentaire (Cass. crim. 14-10-1992 no 92-81146 : Bull. crim. no 322 ; Cass. crim. 21-6-2023 n° 22-82.287 F-D), le juge pénal s’était peu emparé des dispositifs lui permettant de se prononcer sur le retrait de l’autorité parentale dans son jugement de condamnation, préférant laisser cette décision au juge aux affaires familiales (Rapport n° 400). A pu être jugé en ce sens que le juge pénal n’est pas tenu d’appliquer les dispositions civiles (Cass. crim. 6-9-2023 n° 22-87.022 F-D).
L’harmonisation des dispositions civiles et pénales est donc bienvenue. Elle permet que le juge pénal se prononce systématiquement sur le retrait de l’autorité parentale chaque fois qu’un parent est poursuivi pour un crime ou délit commis sur la personne de son enfant.