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Solidarité des parents séparés pour la réparation des dommages causés par l’enfant

Peu importe le lieu de résidence habituelle de l’enfant, les parents séparés qui exercent conjointement l’autorité parentale sont responsables solidairement des dommages causés par leur enfant, sauf si une décision administrative ou judiciaire a confié le mineur à un tiers.

Cass. ass. plén. 28-6-2024 n° 22-84.760 BR


Par Julie LABASSE
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©Getty Images

Un enfant âgé de 17 ans déclenche de multiples incendies entraînant des dommages importants. La responsabilité civile des deux parents, divorcés, est recherchée. Seule celle de la mère est retenue, la résidence du jeune étant fixée chez elle au terme de la convention de divorce.

La Cour de cassation censure : les deux parents, lorsqu'ils exercent conjointement l'autorité parentale à l'égard de leur enfant mineur, sont solidairement responsables des dommages causés par celui-ci, dès lors que l'enfant n'a pas été confié à un tiers par une décision administrative ou judiciaire. En effet, d’une part, la notion de cohabitation s’interprète comme une conséquence de l'exercice conjoint de l'autorité parentale, laquelle emporte pour chacun des parents un ensemble de droits et de devoirs ; d’autre part, la cohabitation des parents avec un enfant mineur à l'égard duquel ils exercent conjointement l'autorité parentale ne cesse que lorsque des décisions administrative ou judiciaire confient ce mineur à un tiers.

Pour justifier cette solution nouvelle, la Haute Cour rappelle d’abord l’état du droit actuel :

  • le principe est que le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux (C. civ. art. 1242, al. 4 et antérieurement art. 1384, al. 4 ancien) ;

  • ce texte n’envisageant que la situation de l'enfant habitant avec ses deux parents, la jurisprudence a dû interpréter la notion de cohabitation et en a déduit que cette condition n’était remplie qu’à l’égard du parent chez qui l’enfant réside à titre habituel. Dès lors, seul ce parent est tenu responsable du fait de l’enfant.

Puis, elle critique cette situation considérant que cette jurisprudence est désormais inadaptée :

  • elle prend mal en compte les situations de résidence alternée ou lorsque les parents conviennent du lieu de résidence des enfants sans saisir le juge ;

  • elle se concilie imparfaitement avec l'objectivation progressive de la responsabilité civile des parents, qui fait que ceux-ci sont responsables de plein droit du fait des dommages causés par leur enfant mineur habitant avec eux ;

  • elle s'accorde imparfaitement avec le principe de coparentalité promu tant au plan national qu’international (Loi 2002-305 du 4-3-2002 ; Convention internationale des droits de l'enfant art. 18, § 1).

A noter :

L’assemblée plénière opère un revirement de jurisprudence bienvenue. Elle donne une nouvelle interprétation de la notion de cohabitation, critère déterminant pour désigner le(s) parent(s) tenu(s) responsable(s) du fait de son enfant. En effet, comme le rappelle la Cour de cassation, la jurisprudence actuelle est critiquée par une large partie de la doctrine. Elle est même, parfois, écartée par des juridictions du fond qui privilégient la seule condition de l'exercice conjoint de l'autorité parentale ou apprécient concrètement le lieu de résidence effectif de l'enfant au moment du dommage.

À ce jour, la condition de cohabitation n'est remplie qu'à l'égard du parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant a été fixée par un juge (Cass. 2e civ. 20-1-2000 n° 98-14.479 : Bull. civ. II n° 14). En conséquence, lui seul assume la responsabilité d'un dommage causé par son enfant mineur, quand bien même l'autre parent, bénéficiaire d'un droit de visite et d'hébergement, exerce conjointement l'autorité parentale (Cass. crim. 6-11-2012 n° 11-86.857 : Bull. crim. n° 241, BPAT 1/13 inf. 9 ; Cass. crim. 29-4-2014 n° 13-84.207 : Bull. crim. n° 116). Il est même responsable des dommages causés à l’occasion de l’exercice du droit de visite de l’autre parent, comme tel était le cas en l’espèce (Cass. 2e civ. 19-2-1997 n° 93-14.646 : Bull. civ. II n° 55). La responsabilité du parent titulaire d’un seul droit de visite et d’hébergement ne peut être recherchée que pour faute, mais un simple défaut de surveillance ne suffit pas à caractériser la faute. D’ailleurs en l’espèce, aucune faute n’a été retenue à l’égard du père. Le Conseil constitutionnel n’y a vu aucune inconstitutionnalité : le parent, chez qui la résidence de l’enfant est fixée, est placé dans une situation différente de celui qui ne dispose que d’un droit de visite et d’hébergement, ce qui justifie qu’il soit seul responsable de plein droit des dommages causés par l’enfant (Cons. const. 21-4-2023 n° 2023-1045 QPC : BPAT 3/23 inf. 119).

La Cour de cassation rappelle également, à l’appui de son raisonnement, les fondements et conséquences de l'objectivation de la responsabilité civile des parents du fait de leur enfant mineur. Cette notion permet notamment une meilleure indemnisation des victimes. La responsabilité des parents est une responsabilité de plein droit du fait des dommages causés par leur enfant mineur habitant avec eux, dont seule la force majeure ou la faute de la victime peut les exonérer (Cass. 2e civ. 19-2-1997 n° 94-21.111 : Bull. civ. II n° 56). Cette responsabilité n'est pas subordonnée à l'existence d'une faute de l'enfant (Cass. 2e civ. 10-5-2001 n° 99-11.287 : Bull. civ. II n° 96). En conséquence, il suffit, pour qu'elle soit engagée, qu'un dommage soit directement causé par son fait, même non fautif (Cass. ass. plén. 13-12-2002 n° 00-13.787 : Bull.  ass. plén. n° 4 ; Cass. ass. plén. 13-12-2002 n° 01-14.007 : Bull. ass. plén. n° 4).

Ainsi, les parents ne peuvent s'exonérer de cette responsabilité objective au seul motif qu'ils n'ont commis aucune faute, qu'elle soit de surveillance ou d'éducation. D’ailleurs, en l’espèce, c’est l’indemnisation des victimes qui a motivé la recherche de la responsabilité du père. Car le préjudice financier était tel que le plafond de garantie de la mère ne suffisait pas à l’indemniser intégralement.

La question s’inscrit dans une forte actualité sociétale : émeutes, violences dans le milieu scolaire, discours du président de la République sur l’instauration d’un devoir de visite, etc. Le discours est à la responsabilisation du parent qui exerce l’autorité parentale. Enfin, le projet de réforme de la responsabilité civile prescrit la suppression de la notion de cohabitation (art. 1245).

L’assemblée plénière a fait le choix de précéder la loi en réinterprétant la notion de cohabitation et en la rattachant au critère de l’exercice conjoint de l’autorité parentale. Elle a néanmoins apporté une limite : la responsabilité cesse lorsqu’une décision administrative ou judiciaire confie le mineur à tiers. Cette limite a été plaidée par le procureur général pour ne pas inclure le parent disposant d’un droit de visite médiatisé qui n’a pas forcément de domicile et donc d’assurance. C’est pourquoi la notion de cohabitation n’a pas été abandonnée, mais réinterprétée pour l’élargir au parent ayant un droit de visite et d’hébergement.

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