En application d’accords collectifs, une société verse à certains de ses salariés une prime de panier de jour, une prime de panier de nuit et une indemnité de transport, calculée en fonction de l’éloignement du domicile par rapport au lieu de travail.
Estimant que ces primes et indemnités constituent des compléments de salaire, un syndicat demande au tribunal de grande instance leur inclusion dans l’assiette de calcul de l’indemnité de maintien de salaire en cas de maladie, prévue par l'article 7 de l'accord national sur la mensualisation du personnel ouvrier de la métallurgie du 10 juillet 1970, et de l’indemnité de congés payés.
L’employeur soutient au contraire que ces primes et indemnités constituent des remboursements de frais professionnels n’ayant pas à être pris en compte.
A noter : Selon l’article 7 de l’accord national sur la mensualisation précité, en cas d'absence au travail justifiée par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident, sous certaines conditions et réserves, le salarié reçoit pendant 45 jours la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait continué à travailler, puis une partie de cette rémunération.
Aux termes de l’article L 3141-24 du Code du travail, l'indemnité de congés payés est égale au dixième de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence, sans toutefois pouvoir être inférieure à la rémunération qu’il aurait perçue s'il avait travaillé pendant ses congés.
Se fondant sur le caractère forfaitaire de ces primes et indemnités et sur le fait que les salariés en bénéficient sans avoir à fournir le moindre justificatif, la cour d’appel décide qu’elles sont octroyées aux intéressés en considération de sujétions liées à l’organisation du travail et retient la qualification de complément de salaire. Cette solution est cassée.
Selon une jurisprudence bien établie, avant de qualifier une indemnité de remboursement de frais professionnels, quelle que soit sa dénomination, il convient de vérifier que la dépense en cause est :
- inhérente à l'emploi, c'est-à-dire qu'elle découle des conditions d'exécution du travail et impose au salarié une charge supérieure à celles liées à la vie courante ;
- effectivement exposée par le salarié.
Le présent arrêt clarifie cette jurisprudence à propos des primes de panier et des indemnités de déplacement.
Indemnités de repas des travailleurs de nuit
Par deux arrêts de 2014, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que les indemnités de repas versées au personnel qui, en raison d’un déplacement impliqué par le service, est obligé de prendre un ou plusieurs repas hors de son lieu de travail, ont pour objet de compenser le surcoût du repas consécutif à ce déplacement. Elles constituent, même si elles ont un caractère forfaitaire, un remboursement de frais et doivent, à ce titre, être exclues de l’assiette de calcul de l’indemnité de congé payé (Cass. soc. 22-10-2014 n° 13-21.147 FS-D : RJS 1/15 n° 73 ; Cass. soc. 17-12-2014 n° 13-14.855 FS-PB : RJS 3/15 n° 224).
Cette solution est ici confirmée et appliquée à des primes de panier versées à des salariés travaillant, selon des horaires atypiques, de manière postée ou la nuit. Ayant pour objet de compenser le surcoût du repas résultant de ces particularités d’horaires, ces indemnités doivent être considérées comme des remboursements de frais. En conséquence, elles n’entrent pas dans le calcul de l’indemnité de congés payés, ni dans celui de la rémunération à maintenir en cas de maladie.
Indemnités de transport
S’agissant des indemnités de transport, la jurisprudence de la Cour de cassation était jusqu'alors incertaine. Selon certaines décisions, des indemnités à caractère forfaitaire mises en place pour tenir compte de la nature et des conditions particulières de travail dans l'entreprise ont la nature de compléments de salaire (Cass. soc. 28-6-2006 n° 05-40.027 F-D ; Cass. soc. 7-12-2011 n° 10-23.686 F-D). Pour d’autres, de telles indemnités peuvent être considérées comme des remboursement de frais professionnels. Ainsi en a-t-il été jugé d’une prime de transport mensuelle variant en fonction de l'éloignement du domicile au lieu de travail et faisant l’objet de déductions au prorata des périodes non travaillées qui n'avaient jamais été remises en cause, ni au plan individuel ni au plan collectif (Cass. soc. 18-12-2012 n° 11-13.813 F-PB : RJS 3/13 n° 225).
La chambre sociale met fin à ces divergences en alignant le régime de l’indemnité de transport sur celui de l’indemnité de repas. Leur caractère forfaitaire, et le fait qu’elles soient versées sans que le salarié ait à fournir de justificatif, ne sont plus des éléments opérants pour les considérer comme des compléments de salaire.
Portée de la solution
L’arrêt est rendu au visa des articles L 3141-24 du Code du travail et 7 de l’accord national sur la mensualisation du 10 juillet 1970. Il ne concerne donc, en principe, que la qualification des indemnités de repas et de transport au regard du calcul de l’indemnité de congés payés et de la rémunération à maintenir dans la branche de la métallurgie en cas d’absence pour maladie ou accident.
S'agissant de la rémunération à maintenir en cas de maladie ou d'accident, la solution s'applique également dans le cadre du régime légal prévu par les articles L 1226-1 et D 1226-1 du Code du travail. Ces textes prévoient en effet que le salarié malade à droit à une indemnité complémentaire aux IJSS calculée en pourcentage de la rémunération brute que le salarié aurait perçue s'il avait continué à travailler.
Stanislas de FOURNOUX, Sylvie LAGABRIELLE et Claire MAUGIN
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Social nos13650 et 70515