Les indivisaires représentant la majorité des deux tiers des droits indivis peuvent, sauf cas particuliers, initier la vente judiciaire d’un bien indivis (C. civ. art. 815-5-1, al. 1). Une procédure rigoureuse doit être suivie dans ce cas. Le notaire recueille tout d’abord la demande formulée par les indivisaires désireux de vendre (C. civ. art. 815-5-1, al. 2). Puis, dans le délai d’un mois suivant son recueil, il fait signifier cette intention aux autres indivisaires (C. civ. art. 815-5-1, al. 3 ). Ceux-ci disposent alors de trois mois pour faire connaître leur position, que le notaire constate par procès-verbal (C. civ. art. 815-5-1, al. 4). Le présent arrêt lève le voile sur les conséquences du non-respect du délai d’un mois.
En l’espèce, le notaire signifie l’acte notarié consignant l’intention des indivisaires de vendre un peu plus de deux mois suivant sa rédaction. Puis, près de quatre mois après cette signification, il dresse un PV de difficultés, l’indivisaire dont le consentement faisait défaut étant resté taisant. Ce dernier invoque en justice le non-respect du délai d’un mois. La cour d’appel autorise néanmoins la vente.
L’indivisaire défaillant invoque devant la Cour de cassation non seulement le non-respect du délai prévu par la loi mais aussi l’absence de vérification par les juges du fond de ce que l’aliénation ne portait pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires (C. civ. art. 815-5-1, al. 5).
La Cour de cassation écarte ces deux arguments.D’une part, le non-respect du délai d’un mois pour signifier est indifférent dès lors que ce délai n’est assorti d’aucune sanction, que la signification a été effective et que l’intéressé a disposé de trois mois pour manifester son opposition avant l’établissement du PV par le notaire.D’autre part, la cour d’appel a souverainement estimé que l’indivisaire récalcitrant ne démontrait pas que l’aliénation de ce bien portait une atteinte excessive à ses droits.
À noter : C’est la première fois, à notre connaissance, que la Cour de cassation se prononce sur la sanction des délais prévus par la procédure de l’article 815-5-1. Sa position se comprend parfaitement : le non-respect du délai d’un mois n’est pas sanctionné par le Code civil ; en outre, il n’est pas de nature à porter préjudice aux indivisaires qui ne sont pas à l’initiative de la vente. Ce qui importe, nous dit-elle, est le respect des droits de ces derniers, qui passe par leur information du projet et le temps pour prendre position. Elle ne précise pas ce que serait la sanction en cas de non respect de ces règles ; l’irrecevabilité de la demande certainement.
La vente d’un bien indivis peut, faute de consentement unanime de tous les indivisaires, être autorisée par voie de justice dans deux hypothèses.
Lorsque l’un des indivisaires refuse dès l’origine la vente, la procédure la plus appropriée est celle de l’article 815-5 du Code civil. Celle-ci n’est soumise à aucune condition de majorité, mais elle est plus rigoureuse dans la mesure où le demandeur doit démontrer que le refus de certains indivisaires de vendre « met en péril l’intérêt commun ». Il s’agit ici de prouver que ce refus est préjudiciable à tous les indivisaires. Ainsi, l’inoccupation prolongée d’un bien indivis, comme en l’espèce, peut être mise en avant à condition de démontrer qu’elle entraîne une dégradation du bien indivis. Celle-ci est évidemment préjudiciable à l’indivision dans son ensemble.
L’hypothèse relevant de l’article 815-5-1 du Code civil, comme dans l’espèce commentée, est celle d’indivisaires inactifs, taisants. Il ne s’agit plus d’autoriser une vente pour éviter la mise en péril de l’intérêt de tous les indivisaires. Il n’appartient donc pas aux demandeurs de prouver une atteinte collective à leurs intérêts. Les juges du fond doivent seulement vérifier que la vente ne portera pas une atteinte excessive aux droits des indivisaires opposants ou inactifs. Comme le rappelle ici la Cour de cassation, c’est à ces derniers de démontrer, pour contrer l’autorisation judiciaire, que la vente sur licitation du bien indivis porte « une atteinte excessive » à leurs droits.
Annie CHAMOULAUD-TRAPIERS, Maître de conférences HDR à la Faculté de droit et des sciences économiques de Limoges
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit de la famille n° 69295