Une société publique d’aménagement exerce par délégation le droit de préemption urbain sur plusieurs lots d’un immeuble détenus en indivision. L'un des propriétaires indivis réclame l’annulation pour excès de pouvoir de la décision de préemption. Le tribunal administratif et la cour administrative d’appel de Paris rejettent successivement sa demande. Selon les juges, une telle action doit être regardée comme un acte de disposition du bien qui requiert l’unanimité des indivisaires (C. civ. art. 815-3). Il n’a donc pas la qualité pour demander seul, sans l’accord des autres indivisaires, l’annulation de cette décision de préemption.
Cassation. Pour le Conseil d’État, toute décision de préemption d’un bien apporte une limitation au droit de propriété du vendeur, qu’il soit plein propriétaire ou propriétaire indivis, et affecte donc ses intérêts. En conséquence, un propriétaire indivis a un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation d’une préemption, sans avoir à recueillir l’accord des autres indivisaires.
A noter :
ll est de jurisprudence constante que toute décision de préemption d’un bien apporte une limitation au droit de propriété du vendeur et affecte à ce titre les intérêts de celui-ci qui a, dès lors, intérêt à en demander l’annulation (CE 21-5-2008 n° 296156, Cne de Houilles : RJDA 10/08 n° 1006). L’affaire portée devant le Conseil d’État lui soumet la question inédite de la qualité à agir du propriétaire en indivision, seul, contre une décision de préemption qui grève le bien indivis. Le Conseil d’État considère que l’indivisaire, en tant que propriétaire vendeur, a un intérêt lui donnant qualité à contester la décision de préemption compte tenu de l’atteinte à son droit de propriété. Il estime que la qualité de propriétaire en indivision emporte les mêmes conséquences que celle de propriétaire en pleine propriété et sanctionne la cour administrative d’appel de Paris pour erreur de droit.
Dans sa décision, le Conseil d’État retient l’atteinte au droit de propriété sans un regard pour les règles de l’indivision légale (C. civ. art. 815-1 s.). Difficile, donc, de pouvoir en déduire que l’action en annulation d’une décision de préemption est un acte conservatoire, qu’un indivisaire peut accomplir seul, même sans caractère d’urgence (C. civ. art. 815-2, al. 1). À notre connaissance, la Cour de cassation – gardienne du droit civil – n’a pas eu l’occasion de se prononcer sur ce type d’action. Relevons néanmoins que, de son côté, la tendance est d’étendre la qualification d’actes conservatoires aux actions en justice. Ainsi jugé à propos d’une action en revendication d’une servitude de passage au profit du fonds indivis (Cass. 3e civ. 4-12-1991 n° 89-19.989 P : Bull. civ. III n° 305), d’une action en paiement d’une indemnité d’occupation (Cass. 1e civ. 16-9-2014 n° 13-20.079 F-D : RJDA 2/15 n° 149) ou encore d’une action en revendication de propriété et en déclaration d’inopposabilité de conventions conclues sans le consentement des coïndivisaires (Cass. 3e civ. 24-10-2019 n° 18-20.068 F-PBI : SNH 37/19 inf. 4). Étant rappelé, et cela ne ressort pas vraiment dans les faits de l’espèce, que la mesure doit toujours être dans l’intérêt de l’indivision et non du seul indivisaire (pour une illustration, Cass. 1e civ. 4-6-2012 n° 10-21.967 F-PBI : BPAT 5/12 inf. 264).