La Quotidienne : Le processus d’achat d’un bien espagnol est-il différent de celui d’un bien français ? Quels sont les frais et les taxes à prévoir lors d’un achat immobilier en Espagne ?
Virginie Molinier : Le processus d’achat est différent sur le plan juridique, car les instruments ne sont pas les mêmes, et les rôles des différents intervenants non plus. Il n’y a pas forcément de précontrat, comme c’est le cas en France avec la promesse unilatérale ou synallagmatique, qui est signée devant notaire et donne lieu à la mise sous séquestre de l’indemnité d’immobilisation équivalente à 10 % du prix. Le précontrat est nécessaire en France du fait du droit de préemption urbain.
En Espagne, à part sur de très rares actifs qui sont considérés comme des monuments historiques ou qui sont situés dans des zones protégées, il n'y a pas de droit de préemption. Il est donc possible de s’accorder sur les conditions essentielles de la vente, et d’y procéder directement.
Toutefois, autant dans les cas des actifs professionnels que dans celui du résidentiel, il est recommandé de procéder à un audit du bien. Non seulement technique (réalisé par des ingénieurs ou des architectes), mais aussi juridique et fiscal. En effet, il est nécessaire de vérifier que l’actif a été édifié dans le respect de la législation administrative et urbanistique qui lui est applicable et qu’il dispose des permis et licences nécessaires à la destination pour laquelle il a été construit. Pour que cet audit soit complet, il est recommandé de demander à la municipalité dans laquelle est situé le bien des certificats attestant de cette conformité législative. Les municipalités affichent souvent des délais de réponse de plusieurs semaines, aussi est-il recommandé, à défaut de précontrat, de signer une lettre d’intentions prévoyant une exclusivité de négociation de deux à trois mois, pour avoir le temps nécessaire pour effectuer cet audit. Ce délai est souvent mis à profit pour sécuriser le financement de l’opération d’investissement.
Lorsqu’il y a un précontrat, le cas de figure le plus usité est celui du versement de 10 % d'arrhes. Par contre, le séquestre notarial n’est pas une pratique standard, même s’il peut être négocié, surtout sur des montants importants. Les contrats d’arrhes dites pénitentielles [décision du Tribunal Suprême rendue le 31-7-1992, RJ 1992\6505 (Sentencia del Tribunal Supremo, Sala de lo Civil, 31-7-1992, RJ 1992\6505); décision du Tribunal Suprême rendue le 27-10-2010 RJ 2010\7609 (Sentencia del Tribunal Supremo, Sala de lo Civil, de 27-10-2010, RJ 2010\7609); et aussi de l'Audience Provinciale de Badajoz, section 3ème du 28-10-2015 (Audiencia Provincial de Badajoz, Sec, 3ª, 28 de octubre de 2015)] (arras penitenciales) sont des contrats sous-seing privés, qui prévoient qu’en cas de non réalisation de la vente pour des causes qui lui sont imputables, le vendeur devra restituer le montant des arrhes, doublé [Article 1.454 du Code civil espagnol. Il faut toutefois prendre en compte les règlementations régionales comme, dans ce cas, la catalane qui prévoit cette figure à l'article 621-8.2 du Code civil catalan]. Dans le cas de la signature d’un contrat d’arrhes ou d’une option d’achat, ces derniers doivent être soigneusement négociés.
Propos recueillis par Angeline DOUDOUX
Virginie MOLINIER, avocate associée au sein de M&B Avocats, conseille ses clients aussi bien en droit français qu’en droit espagnol. Elle intervient particulièrement dans le domaine des fusions-acquisitions et des restructurations de sociétés dans un contexte souvent international, en droit des contrats et droit économique ainsi qu’en droit immobilier.
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