En juillet 2016, deux femmes se marient. L’une d’elles donne naissance à des jumelles à la suite d’une insémination artificielle pratiquée en Espagne. Par acte notarié du 27 juin 2017, la mère biologique consent à l’adoption de ses filles par son épouse. Le couple se sépare en 2018. La mère d’intention forme une requête en adoption plénière.
La cour d’appel fait droit à sa demande. Elle retient tout d’abord que :
la naissance des deux filles résulte d’un projet de couple et l’épouse de la mère biologique y a participé tant lors de la grossesse qu’après la naissance des enfants ;
la mère d’intention a tenté de maintenir les liens avec les jumelles malgré la séparation du couple.
Elle estime ensuite que, l’intérêt de l’enfant étant de connaître ses origines et sa filiation, faire disparaître la requérante de l’histoire familiale des petites filles aurait des conséquences manifestement excessives pour celles-ci.
La Cour de cassation confirme la décision. La cour d’appel a, de ces constatations, souverainement déduit que l’adoption plénière des enfants était conforme à leur intérêt.
A noter :
1. La décision, rendue sous l’empire du droit antérieur à la loi bioéthique 2021-1017 du 2 août 2021, confirme la jurisprudence rendue en la matière (Cass. Avis 22-9-2014 nos 14-70.006 et 14-70.007 ; notamment CA Limoges 2-3-2015 n° 14/01192 ; CA Agen 18-1-2016 n° 15/00850). L’adoption plénière d’un enfant né d’une procréation médicalement assistée (PMA) à l’étranger par l’épouse de la mère biologique est admise dès lors que :
les conditions légales de l’adoption plénière sont réunies (C. civ. art. 343 s.) ;
l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant, selon l’appréciation souveraine des juges du fond.
Dans l’affaire commentée, la candidate à l’adoption était divorcée de la mère de l’enfant. Son ex-épouse n’ayant apparemment pas rétracté son consentement à adoption avant le dépôt de la requête (voir, sur ce point, Rép. Civ. Dalloz v° Adoption plénière par F. Eudier n° 97), la demande d’adoption restait valable et la jurisprudence précitée applicable.
2. En l’espèce, l’acte notarié de consentement à l’adoption ne suffisait pas à établir le lien de filiation entre la compagne de la mère biologique et les jumelles. Depuis le 4 août 2021, date d’entrée en vigueur de la loi bioéthique, la reconnaissance conjointe anticipée de l’enfant devant notaire consacrée au nouvel article 310-1 du Code civil évite toute remise en question du lien de filiation à la suite de la séparation du couple.
Désormais, les intéressées doivent reconnaître conjointement l’enfant lors du recueil de leur consentement devant notaire (C. civ. art. 342-11, al. 1 nouveau). À l’égard de la femme qui accouche, la filiation est établie, conformément au droit commun, par la désignation de celle-ci dans l’acte de naissance de l’enfant (C. civ. art. 311-25 nouveau). Pour l’autre femme, la filiation est établie par la reconnaissance conjointe faite devant notaire. Celle-ci est remise par l’une des deux femmes ou, le cas échéant, par la personne chargée de déclarer la naissance à l’officier de l’état civil, qui l’indique dans l’acte de naissance (C. civ. art. 342-11, al. 2 nouveau). La femme qui, après avoir consenti à la PMA, fait obstacle à la remise à l’officier de l’état civil de la reconnaissance conjointe engage sa responsabilité (C. civ. art. 342-13, al. 3 nouveau).